Marine Le Pen se plante au Maroc

Le 28 mars 2012

Les contraires s'attirent de moins en moins dans le classement de la crédibilité des candidats à l'élection présidentielle du Véritomètre d'OWNI-i>TÉLÉ. En tête depuis dix jours, Jean-Luc Mélenchon creuse encore un peu plus l'écart, tandis que Marine Le Pen reprend sa chute au bas du classement.

Le temps est au changement dans le classement du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude de toutes les déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à l’élection présidentielle. Pendant que Jean-Luc Mélenchon renforce ses positions à la tête du classement – avec 63,4% de crédibilité, François Bayrou s’éloigne à nouveau de la troisième place occupée par François Hollande.

Ces dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 42 citations chiffrées des candidats à la présidentielle1.

C’est une chronique un peu spéciale que nous vous proposons aujourd’hui, puisqu’elle concerne les “serpents de mer du Véritomètre”, ces données introuvables dont l’équipe n’aurait réussi à se départir sans une précieuse aide, celle des internautes que nous avons interpellés sur Twitter et Facebook.

Manque de culture marocaine chez Marine Le Pen

Pour illustrer le manque de compétitivité de l’agriculture française, Marine Le Pen a choisi d’estimer le coût horaire du travail agricole au Maroc. Lors de son marathon télévisé dans l’émission Parole de candidat, le 5 mars dernier, elle déclarait ainsi :

Les Marocains, ils sont payés cinq euros de l’heure, les ouvriers agricoles marocains.

Une statistique que l’équipe du Véritomètre avait tenté de chercher sur les sites du Haut commissariat marocain au Plan, de l’ambassade de France au Maroc ou encore de la Banque mondiale. En vain. La solution s’est avérée plus simple, elle nous a été soufflée par @Brevesdetrott, qui a eu la bonne idée de fouiller le site du ministère marocain de l’Emploi et de la Formation professionnelle.

Résultat : la candidate du Front national surestime très largement le coût du travail agricole de l’autre côté de la Méditerranée. La statistique que nous avons trouvée et qui se rapproche le plus du chiffre évoqué par Marine Le Pen est celle du salaire minimum journalier dans l’agriculture, sur le site du ministère marocain de l’Emploi, donc. Il s’élevait à 60,63 dirhams en 2011, soit environ 5,5 euros de 2011, si l’on s’en tient au taux de change donné par le ministère des Affaires étrangères. Les ouvriers agricoles marocains ne sont donc pas payés près de 5 euros par heure, mais par jour.

Dans sa volonté de décrire le défaut de compétitivité de la France face au Maroc, Marine Le Pen eût été mieux avisée de ne pas surestimer le coût du travail agricole outre-Méditerranée.

Nicolas Sarkozy bride l’export

C’était l’une des premières interventions vérifiées par l’équipe du Véritomètre, l’interview sur huit chaînes de télévision du Président – encore présumé candidat – le 29 janvier 2012. Nicolas Sarkozy avait alors choisi de privilégier “l’exemple allemand”, comme OWNI le décryptait le lendemain, qui fait bien mieux que la France à l’export :

Nous avons 100 000 entreprises qui exportent en France.

Avec une précision digne des plus fervents vérificateurs de données, @Keyridan a sorti de terre pas moins de quatre statistiques différentes sur le nombre d’entreprises françaises qui travaillent à l’exportation. Celle que nous avons retenue provient d’une étude du ministère des Finances [PDF], publiée en août 2011, qui évaluait leur nombre à 125 111 en 2010 (page 4). Soit 20,1% de moins que l’estimation de Nicolas Sarkozy, qui manque décidément de confiance en l’appareil exportateur français.

François Hollande n’aime pas les riches

L’UMP a pour habitude de lui rappeler, François Hollande avait bel et bien déclaré en 2006 : “Je n’aime pas les riches, j’en conviens”. Six ans plus tard, et avec un peu plus de diplomatie, le candidat socialiste s’en prend d’abord aux plus aisés qui délaissent la France, les exilés fiscaux. Dont il dit, dans une interview à RTL, le 29 février dernier :

Le bouclier fiscal il avait été inventé par Nicolas Sarkozy pour faire revenir des capitaux.. Aucun n’est revenu !

Le désormais célèbre “bouclier fiscal” désigne la mesure instaurée par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA), et limitant à 50% de ses revenus le maximum d’impôts directs payés par un contribuable, contre 60% auparavant.

Bien que supprimé depuis, les incidences du bouclier fiscal restent difficiles à estimer, notamment pour l’équipe du Véritomètre qui n’avait trouvé aucune donnée officielle à l’époque de cette vérification.

Heureusement, @arnocast nous a mis sur la piste d’un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires datant de mai 2011 [PDF], et mentionnant le solde de départs et de retours en France de contribuables assujettis à l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Ses résultats (page 294) confirment ici le propos de François Hollande. Pour le début du quinquennat, du moins – des données plus récentes n’étant pas encore disponibles -, 982 contribuables qui payaient l’ISF ont quitté la France en 2007 et 2008.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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Illustrations par l’équipe design d’Owni /-)

  1. L’équipe du Véritomètre a fixé des seuils de tolérance pour l’évaluation des chiffres des candidats : si la marge d’erreur entre le chiffre évoqué par le candidat et la donnée officielle disponible est comprise entre 0 et 5 %, nous considérons la citation comme “correcte” ; si la marge est entre 5 et 10 % on la qualifiera d’”imprécise”, enfin si la marge est de plus de 10% nous l’évaluerons comme “incorrecte” []

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