Sarkozy valse avec la Culture

Le 18 novembre 2011

Attendu à Avignon pour s'exprimer devant des représentants de la culture et du numérique, Nicolas Sarkozy a renoué avec ses premières amours. Louée soit la culture, maudit soit Internet.

Nicolas Sarkozy s’adressait ce vendredi, aux environs de midi, au gratin culturel réuni au Forum d’Avignon. Un déplacement scruté à la loupe par les milieux du numérique et de la culture, qui s’opposent de plus en plus au sujet de la régulation du net. Le “propos liminaire” du chef de l’État exige donc une souplesse d’équilibriste. Il nécessite de jongler entre des acteurs culturels favorables à une régulation du net agressive, et une communauté Internet que la majorité essaye de séduire depuis avril 2011.

L’exercice est périlleux. Les traces du discours sont réduites au minimum. Aucun streaming de l’événement n’a été assuré, aucun direct radio ou TV n’aurait été autorisé. Nicolas Sarkozy aurait fait le choix d’une improvisation, laissant de côté le discours prévu : autrement dit, la publication d’un texte sur le site de Élysée n’est pas assurée… Seul un montage vidéo réalisé par France Télévisions, qui détenait l’exclusivité, a été mis en ligne peu de temps après cette intervention.

Seul lien direct avec l’évènement: Twitter, sur lequel quelques participants connectés envoient des bouts de phrases du président. Et le contenu de l’intervention présidentielle vaut le détour. En rappelant, comme au cours de ses vœux aux acteurs du monde de Culture en 2010 ou de son discours à l’eG8, que le droit d’auteur avait été inventé par Beaumarchais, en France, le Président flatte son auditoire. Composé de professionnels du secteur culturel, il est attentif aux lieux communs tels que :

La culture, c’est le contraire du sectarisme.

Il faut une nouvelle économie pour les acteurs de la culture qui ne les ruine pas.

La culture, c’est ce qui donne du sens.

Hadopi 3, la revanche

Au-delà, le président en campagne s’est confié, affirmant qu’on lui avait prédit la perte de l’élection présidentielle si il ne renonçait pas à défendre le droit d’auteur. Mais Nicolas Sarkozy n’est pas homme à renoncer, ni à plier devant les revendications des “intern-autres”. Surtout devant un monde culturel plutôt satisfait de la mise en place de la Hadopi. Une haute autorité qui selon lui a fait baisser le piratage de 35%, chiffre qu’aucune étude sérieuse ne vient appuyer.

Sur cette question, le président de la République veut aller plus loin. II a évoqué l’utopie séduisante d’une Hadopi 3, pour contrer le streaming: “l’idéologie du partage, c’est je vends d’un côté et je vole de l’autre ; je veux une Hadopi 3”. Une autorité qui en juin 2012 pourrait selon les souhaits de ses dirigeants, devenir l’instance principale de régulation de l’Internet. Un Internet qui fait décidément toujours aussi peur à Nicolas Sarkozy, qui aurait affirmé qu’on pouvait trouver des bombes sur le réseau, en faisant référence à l’attentat de Marrakech.

Le président en a également profité pour dérouler son programme et évoquer la création d’un centre national de la musique financé par une taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet. La tribune de ces derniers dans Le Monde n’a donc pas porté ses fruits. Le président de la République en a également profité pour réaffirmer son opposition à l’idée de licence globale.

En installant le Conseil National du Numérique en avril 2011 et en plaçant Internet au cœur des préoccupations du G8, Nicolas Sarkozy a tenté de réécrire la relation qui le lie au net. Son allocution du jour semble confirmer que la variation n’est qu’un arrangement cosmétique et électoraliste. Un grand écart postiche, que les acteurs du net ne manqueront pas de souligner ces prochains jours, à l’occasion des “journées du numérique”. Énième opération com’ voulue par le Président.


Merci à Pascal Rogard pour son suivi précis ainsi qu’à Anti-nanti pour les illustrations


En vente début décembre le livre électronique “e-2012″, chez Owni Editions, une enquête signée Andréa Fradin et Guillaume Ledit sur la campagne numérique de l’UMP et du PS.

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