OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Vendredi c’est graphism S02E16! http://owni.fr/2011/04/22/vendredi-cest-graphism-s02e16/ http://owni.fr/2011/04/22/vendredi-cest-graphism-s02e16/#comments Fri, 22 Apr 2011 06:21:42 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=58276

Bonjour les ami(e)s !

Vous êtes de plus en plus nombreux à lire Vendredi c’est Graphism et à m’envoyer vos actualités graphiques pour que je les publie et je vous en remercie infiniment ! Encore une belle semaine pleine de belles choses à se mettre sous les yeux et notamment grâce à vous :-) Au programme de la semaine, je vous présente la nouvelle version de Photoshop…sur tablette, une vidéo pour Virgin America, un travail culinaire ET typographique, un clip vidéo d’Antony and the Johnsons. On regardera également 10 000 images générées, ainsi que le projet Surface Switch. Et comme toutes les semaines, on finira sur un WTF très très obsédant à base de chat :)

Bon vendredi et bon graphisme !

Geoffrey

On commence notre semaine avec Adobe qui a enfin dévoilé « Photoshop Touch » et ses nouvelles façons d’interagir avec un écran tactile. L’idée est d’adapter réellement la plupart des fonctionnalités d’Adobe Photoshop (en ayant déployé un nouveau moteur de script dans Photoshop) et que cette version puisse fonctionne sur Android, Blackberry OS Tablet, et iOS.

On remarque ainsi des choses un peu nouvelles comme :

  • l’affichage d’un menu en posant 5 doigts sur l’écran
  • la sélection d’un item de ce menu en retirant tous ses doigts sauf celui posé sur l’item selectionné
  • le mélange « réel » des couleurs (par addition)
  • la synchronisation tablette & logiciel

Bref, l’intelligence de déporter des applications sur tablette est un vrai challenge, je suis pour l’instant assez convaincu par ce que les équipes d’Adobe nous proposent. Bravo à eux et j’ai hâte de voir la suite !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

Voici une animation dessinée pour Virgin America avec pour thématique le “vivre ensemble”. Dans ce spot, 3LL s’est associé avec Droga5 pour vous apporter une sorte de leçon de vie pour soulager quelque peu votre esprit en avion.  Cette vidéo colorée et joyeuse est peuplée de stéréotypes exagérés, de sorte que chaque personnage peut avoir un impact énorme sans avoir besoin trop de temps d’écran. Un beau travail très bien maîtrisé, à découvrir.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

Si vous avez du temps ce week-end, je vous propose de vous cuisiner un petit goûter avec le fabuleux travail typographique et expérimental de Anna Garforth! Cette jeune femme s’est fait notamment connaître avec ses créations de graffitis de mousse mais elle replonge depuis peu dans l’exploration des matériaux complètement différents pour faire des polices de caractères. Et c’est pour mon plus grand plaisir qu’elle a travaillé le biscuit (miam!)

Elle réalise ainsi cette affiche avec inscrit l’expression « les yeux plus gros que le ventre », pas bête en effet Pour ma vision du travail de designer, je pense que l’expérimentation est un élément fondamental.Explorer, tester, échouer, reprendre, réussir, l’expérimentation graphique, culinaire, dans le code, dans le dessin, bref, c’est vraiment un processus de découverte et d’apprentissage primordial à ne pas négliger donc…

source

Séquence grande émotion avec “Christina’s Farm” d’Antony and the Johnsons, dirigé par Milica Zec et produit par Winslow Turner III Porter. L’auteur présente sa vidéo comme dédiée à tous ceux qui ont rencontré l’injustice sociale et il a été inspiré en partie par les émeutes anti-serbes gay qui ont eu lieu 10 octobre 2010, ou encore par les nombreux jeunes LGBTQ (pour “lesbian, gay, bisexual, and transgender”) aux États-Unis, qui ont pris leur vie en main après avoir subi la discriminiation. À regarder en plein écran pour mieux sentir cette sensation de vertige :-)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

On continue avec de très belles images découvertes cette semaine, il s’agit d’un projet intitulé “10,000 unique digital paintings”. Ces 10.000 peintures numériques et uniques ont été créées pour la dernière brochure du fabricant de papier GFSmith pour ses tests d’impressions. Chaque structure dispose d’un point de vue différent sur ​​une sculpture hypercomplexe qui est générée par un processus combinant du code génératif et des figures prédéfinies. Un superbe travail signé l’équipe de Field.io :-)

source

On enchaîne la semaine avec « Surface Switch », qui est un nouveau concept d’interaction ultramince réalisée avec une surface faite d’encre conductrice et de papiers conducteurs. Cette vidéo de concept (entendez par là que c’est pour de faux) pose la question de la façon dont il est possible d’utiliser les commutateurs de surface. On y découvre déjà certaines réponses dans cette vidéo ! De quoi nous faire travailler les méninges donc :-) Pour information, cette vidéo est créé par le « Surface interface Design Project » par Atsuhito Sekiguchi, James GIBSON, Akira Segawa, Keiko KOBAYASHI, Julien JASSAUO, Ami KANOH, Akemi Nanya, Takashi KONDO, Takashi HONDA et Ryusei Sakamoto. Nous attendons donc avec impatience la suite et les premières réalisations !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

Le WTF qui a fait beaucoup de bruit cette semaine s’appelle NYAN-CAT ! Ce site internet est très addictif (un peu comme le meme Loituma) et… attention, c’est un concept bête mais ça fonctionne très bien et la réalisation est en HTML. Addictif je vous dis… et ça se passe sur nyan.cat !

Pour le mot de la fin, je vous invite à sortir vos agendas pour réserver quelques dates comme par exemple le 7 mai 2011 pour les Puces Typographiques (et boire un verre avec les lecteurs de mon blog), ainsi que le 10 mai pour le Festival Siana par exemple :-)

Allez… bon week-end !

Geoffrey

]]>
http://owni.fr/2011/04/22/vendredi-cest-graphism-s02e16/feed/ 0
L’information « papier » est hors de prix http://owni.fr/2011/02/21/l%e2%80%99information-%c2%ab-papier-%c2%bb-est-hors-de-prix/ http://owni.fr/2011/02/21/l%e2%80%99information-%c2%ab-papier-%c2%bb-est-hors-de-prix/#comments Mon, 21 Feb 2011 09:00:39 +0000 Marc Mentré http://owni.fr/?p=42229 Rendre de nouveau l’information payante sur le web, c’est le rêve de tous les éditeurs. Mais des études récentes, et le résultat d’expérimentations comme celle du Times montrent qu’il y a loin de ce rêve à la réalité. La France, est aussi un terrain d’expérimentation dans ce domaine. L’occasion d’examiner les offres payantes existantes en France — quelles soient papier, papier et web et web seul — et leur attractivité, en adoptant le point de vue d’un simple consommateur d’information. Donc, un post en deux temps : d’abord un état des lieux et ensuite un comparatif des offres payantes existantes en France [pour des raisons pratiques, je me suis limité aux quotidiens nationaux], c’est-à-dire pratiquement tous les sites des quotidiens d’information.

L’idée de ce post m’est venue à la lecture de plusieurs informations distinctes : le constat que de plus en plus de sites français proposait des offres payantes ; les résultats d’un sondage du Pew Research, un institut de recherche américain, qui montre que 65% des internautes américains ont déjà payé pour du contenu online ; la publication des résultats du Media and Entertainment Barometer britannique qui montre que seul 2% des internautes seraient prêts à payer pour de l’information, les résultats controversés de l’instauration d’un mur payant « étanche » par le Times de Ruport Murdoch (et aussi celui de News of the World du même Murdoch) et en France la création prochaine d’un « kiosque numérique » auquel participeront les principaux quotidiens nationaux, à l’exception du Monde, et de trois news magazine (L’Express, Le Point et le Nouvel Observateur). Il faut ajouter à cela les résultats décevants de téléchargement d’applications sur l’iPad relevés en fin d’année 2010, et la longue grève des ouvriers du Livre, liée à la restructuration de SPPS, une filiale de Presstalis, qui a fait vaciller un peu plus le réseau de distribution de la presse écrite en France.

Toutes ont un rapport entre elles : l’affaiblissement de la presse papier minée en France notamment par un réseau de distribution de plus en plus mité, le fait que l’iPad (et les tablettes) qui était vue comme l’une des bouées de secours de la presse notamment magazine, l’érection de murs payants pour faire payer les contenus et faire oublier ce « péché originel » que fut l’instauration de la gratuité des sites de presse.

1. Le payant sur le web, un chemin semé d’embûches

Mais détaillons un peu :

L’enquête du Pew Research Center [pdf, en] montre effectivement que 65% des internautes américains ont déjà acheté du contenu payant sur Internet que ce soit pour avoir accès à un site payant ou à sa partie payante [Premium], télécharger ou contenu, ou encore utiliser la fonction de streaming. Ce pourcentage correspond grosso modo au nombre d’internautes de ce pays ayant accès à l’ADSL. Concernant l’information, le niveau de consommation est faible, puisque seuls 18% des internautes américains disent avoir payé. Le rapport ne distingue d’ailleurs pas entre l’information « news », « magazine » et l’accès aux sites payants. Les diplômés [college graduates] et ceux disposant d’un revenu supérieur à 75.000$ par an [56.000€], sont les plus importants consommateurs d’information payante.

Le niveau des dépenses engagées est aussi très faible : en moyenne 10$ par mois (7,5 €). Ici, le rapport ne distingue pas selon les types de contenu, mais il est à noter que près de la moitié des internautes (43%) paient de 1 à 10$, 25% de 10 à 30$ et une frange de 7% 100$ et plus.

En fait, il semblerait (mais c’est à confirmer) que la stratégie de contenus Premium soit… payante, à condition remarque Amy Gahran [en] de l’Online Journalism Review qu’elle soit « précisément ciblée —ce qui est une bonne nouvelle pour l’information de niche, les ‘special package‘ ou les services d’information spécialisés. »

La lecture du Media and Entertainment Barometer, publié sous l’égide de la société de conseil britannique KPMG, n’est guère plus revigorante. D’abord, il constate que 13% seulement des internautes britanniques ont déjà payé pour du contenu en ligne et qu’ils ne sont que 9% « à envisager de le faire dans l’avenir ». Mais surtout, il indique que seul 2% des internautes sont prêts à payer « pour un accès illimité [unrestricted access] à un site qu’ils utilisent actuellement régulièrement si un ‘mur payant’ était introduit, tandis que pratiquement 80% rechercheront du contenu gratuit ailleurs. »

Le vrai espoir viendrait des « apps. » pour mobiles et tablettes. Un quart des consommateurs britanniques en a déjà téléchargées des payantes sur leur mobile, un chiffre qui atteint 44% pour la tranche d’âge « stratégique » 18-34 ans.

Ces deux études récentes corroborent les résultats d’une autre plus ancienne (2009) de Gfk Custom Research, menée sur 16 pays européens et les États-Unis. Il en ressortait que seulement 13% des internautes acceptaient de payer pour des contenus. Les Français estimant, pour 89% d’entre eux que « les contenus et les informations devaient être gratuits sur Internet ».

Le mur payant « étanche » n’est pas la solution miracle…

Il paraît donc nécessaire de distinguer sites et applications pour mobiles et tablettes.

Concernant les sites, le « mur payant étanche » ne semble pas être une solution miracle, tant il suscite de réticences et s’adresse à un bassin d’internautes réduit. Plusieurs sites viennent d’ailleurs de l’abandonner comme l’américain  Editor & Publisher [en] : « Le seul nom de ‘mur payant’ a une connotation péjorative, reconnaissait son PDG Duncan McIntosh le 210 décembre 2010 (…) nous l’avons retiré pour attirer plus de trafic et faire en sorte qu’une plus grande part de notre contenu soit disponible pour nos visiteurs. »

C’est le cas aussi d’un site généraliste d’information locale, émanation d’un journal paraissant deux fois par semaine en Californie, le Sonoma Index-Tribune [en] qui après 3 mois d’expérimentation a cessé de demander à ses visiteurs de payer 5$ par mois en raison de l’apparition d’un site d’information gratuit —Patch d’AOL— sur le secteur [en]. Ce renoncement illustre le fait qu’un site payant n’est pas concurrentiel face à un site qui propose le même type de contenu gratuitement.

À une toute échelle, qu’advient-il des sites britanniques du Times et de News of the World rendus payant par Rupert Murdoch ? Pour le second, le retour d’expérience est encore faible [il n'est payant que depuis le 14 octobre 2010], mais ce que l’on peut constater, selon ComScore [en] est que l’on est passé d’un chiffre d’1,5 million de visiteurs uniques en septembre 2010 à 634.000 en novembre, et que le « temps passé sur le site et par page vue est une forte décroissance, signifiant que les visiteurs ne font que s’arrêter sur la page d’accueil payante pour ensuite chercher ailleurs pour du contenu gratuit. »

Même cause, même effet pour le site du Times de Londres. Selon une étude [en] d’Experian Hitwise, commandité par le Guardian, le site aurait 54.000 souscripteurs (en novembre) auquel il faut ajouter 100.000 abonnés au « papier » qui aurait activé leur abonnement couplé « papier+web ». Tout aussi significatif, le fait que les trois quart de ces souscripteurs (41.000 sur 54.000) seraient basés en Grande-Bretagne. Une formidable régression, car les sites d’information britannique, du type Guardian, Daily Mail ou Daily Telegraph, ont grosso modo, un public divisé en trois parties sensiblement égales: un tiers britannique, un tiers américain et un autre tiers « reste du monde ». Bref, la question se pose réellement de savoir si ce modèle de mur payant étanche est viable sur le long terme.

[Lire la critique au vitriol [en] que fait de ce modèle Clay Shirky, ou celle d’Eric Hippeau, le patron du Huffington Post, un site qui a trouvé son modèle économique, en restant gratuit, puisqu’il est à l’équilibre cette année tout comme l’est celui de The Atlantic [en] qui est aussi resté gratuit — attention, il faut être inscrit pour accéder au site du NYT].

À l’évidence, passer au payant, signifie trouver des systèmes plus fins —pour les sites d’informations générales—. C’est ce sur quoi travaille le New York Times, qui compte s’appuyer sur le « cœur » de son lectorat, c’est-à-dire les 15% de visiteurs qui consulte chaque mois plus de 20 pages du site [lire l'article [en] de PaidContent sur ce sujet], mais n’entend pas pour entend construire un mur « étanche ».

… ni l’iPad

Reste donc les applications téléchargées sur mobile et sur les tablettes (pour l’instant essentiellement sur l’iPad). Il ne faut pas trop se bercer d’illusions comme le remarque Esther Vargas, de Perù.21, dans Reflexiones sobre Periodismo, un petit ouvrage collectif publié sous l’égide la FNPI [es] (Fondación Nuevo Periodico Iberoamericano) :

L’iPad ne fournira pas assez d’essence pour réinventer le journalisme tel qu’il doit et devrait être.

En dépit d’avertissement de prudence de ce type, tous les grands éditeurs se sont engouffrés sur ce support, car avec l’iPad, ce serait le retour du payant. Cela correspond aussi à un changement de mode de consommation de l’information qui se fait « en mobilité » et non plus sur un ordinateur fixe. Sans surprise, Rupert Murdoch est en pointe. Son groupe News Corp. va lancer en ce début d’année 2011 le Daily [en], un quotidien spécialement conçu pour les tablettes. Il est suivi par Richard Branson, qui prépare Project [en], un magazine destiné à l’iPad et aux tablettes.

La mobilité un coin de ciel rose? Sans doute, mais le retour au réel est brutal. Les statistiques de novembre du nombre d’apps de magazine vendues sur iPad aux États-Unis ont sonné comme un rappel à l’ordre. Wired est le cas le plus spectaculaire. Le journal consacré à la high tech américain avait vendu près de 100.00 apps en juin 2010 lors de son lancement pour ne plus en vendre qu’un peu plus de 20.000 en novembre. Faible, lorsque l’on sait qu’il s’agit pratiquement d’un achat « au numéro »

Bref, l’effet de nouveauté ne dure pas et ensuite, comme le remarque Mashable [en] les ventes d’apps suivent la même courbe que celle des ventes en kiosque. Surtout, il semble que les utilisateurs soient déçus. Susan Currie Sivek de Mediashift [en] remarque :

Aujourd’hui, les apps de magazine ont tendance à être ternes, à être des répliques maladroites des pages des magazines imprimés et ne laissent pas les lecteurs partager le contenu via les réseaux sociaux, voire par e-mail [cette impossibilité de partager est sévèrement critiquée sur son blog [en] par Bradford Cross]

Le kiosque numérique, une solution à la française ?

C’est dans ce contexte que des éditeurs français, réunit dans un GIE, baptisé e-Presse Premium, veulent lancer un kiosque numérique. Il y a du village gaulois d’Asterix dans ce projet. Les éditeurs de quotidiens —L’Équipe et Le Parisien, Le Figaro, Les Échos— et de news magazines —L’Express, Le Point et le Nouvel Observateur— ont décidé de s’unir pour, dixit Le Figaro, « renverser le rapport de force créé par Google, Apple et Facebook ».

Le projet repose sur deux idées fortes :

  1. sortir du rapport de force financier imposé, par exemple, par Apple qui prélève 30% du prix final du contenu vendu et revenir à des marges de distribution inférieur à 20% ;
  2. permettre à chaque éditeur de rester pouvoir continuer à fixer le prix de ses propres abonnements ainsi que le prix de ses contenus (articles) vendus à la pièce.

Nul doute, que les résultats de ce GIE, qui est piloté par Frédéric Filloux seront scrutés à la loupe car ce projet pour séduisant qu’il paraisse sur le papier semble, malgré tout, comme l’écrit Guillaume Champeau dans Numerama

apporter une mauvaise réponse à un problème qui est mal posé. La question est d’abord moins de savoir comment faciliter le paiement des différents journaux que de savoir si les journaux dans leur forme actuelle peuvent encore donner l’envie d’être achetés.

Car l’information à un prix. Soit gratuite et dans ce cas, c’est la publicité, et/ou l’impôt via la redevance qui paie la fabrication du contenu, soit payante et dans le cas le consommateur paie tout ou partie du contenu [lire "Personne ne pense un seul instant qu'il devrait payer pour son journal"].

2. Le journal vendu en kiosque n’est plus concurrentiel

Avec en tête donc, le fait qu’un faible pourcentage d’internautes étant prêt à payer pour obtenir de l’information sur le web, je me suis livré à une étude comparative sur les différentes offres disponibles sur le marché français, concernant les quotidiens nationaux français. J’ai regroupé ces offres [je n'ai pas inclus dans cette étude les quotidiens dont le site est gratuit, c'est-à-dire L'Équipe, L'Humanité et France Soir] proposées par les différents quotidiens nationaux dans un GoogleDocs [ce doc est amendable et peut être complété].

Je m’en suis tenu à la seule approche par les prix sans m’interroger sur la qualité de l’information produite par tel ou tel titre ou marque. Il est donc possible d’obtenir un information (ou un article) selon 5 formules différentes :

  1. l’achat du journal papier au numéro (en kiosque),
  2. l’abonnement papier (qui peut-être délivré soit par La Poste soit par portage),
  3. l’abonnement mixte papier + web, qui inclut selon les formules le seul accès au site, ou l’accès au site —à sa partie payante— et aux applications smartphone et tablette. Etrangement, la presse quotidienne française semble avoir un très fort tropisme pour les produits Apple, iPhone et iPad.
  4. l’abonnement web, qui inclut souvent les applications smartphone et tablette.
  5. les applications smartphone et tablette.

À ce petit jeu comparatif, il existe un grand perdant : la vente en kiosque. Comparée à toutes les autres formules, et quel que soit le quotidien, l’information papier vendue en kiosque est hors de prix, ou en tout cas n’est plus concurrentiel. Acheter un quotidien coûte (sur 5 jours) de 10 euros (France Soir) à 30 euros (Le Monde, Les Échos) mensuellement. Ce coût mensuel est encore plus élevé si l’on achète son journal sur 6 (Libération, Le Monde, Le Figaro) voire 7 jours (Le Parisien, L’Équipe) car, dans ce cas s’ajoute le prix de suppléments « obligatoires » comme les mensuels Next pour Libération, Enjeux pour Les Échos, ou hebdomadaires comme Le Monde Magazine, L’Équipe Magazine, Le Figaro Magazine et Madame pour (dans ce dernier cas existe toujours la possibilité d’acheter L’Aurore, qui est Le Figaro du samedi vendu sans ses magazines).

Si l’on calcule le coût annuel de l’achat en kiosque d’un quotidien, l’addiction à l’information coûte de 336 euros pour Le Parisien, à 484 euros pour Le Monde, quasiment le prix d’un iPad !

D’un strict point de vue de consommateur, le jeu en vaut-il la chandelle ? Qu’apporte réellement de plus le journal papier ?  Il est — pour des raisons inhérentes à son processus de fabrication— en retard sur l’information produite sur le web, par les radios et les chaînes télévisées d’information en continu. Il faudrait donc pour que l’achat en kiosque perdure, que les journaux apporte une très forte valeur ajoutée en terme d’analyse, de réflexion et de profondeur. Est-ce le cas ? Le fléchissement continu des ventes, montre que le lectorat n’en est pas vraiment convaincu. C’est sans doute l’un des principaux défis que doivent relever les éditeurs et les rédactions.

L’acheteur en kiosque n’a pas accès aux infos payantes du site

À cela s’ajoute un deuxième handicap : acheter un journal implique trouver un kiosque en particulier pour les éditions du dimanche. C’est cette difficulté qui, entre autres, à conduit Amaury a construire son propre réseau de distribution distinct de Presstalis, pour Le Parisien, afin de densifier le nombre de points d’accès.

Et puis, il y a aussi le fait que l’acheteur d’un quotidien en kiosque est pénalisé par rapport aux abonnés, puisqu’il n’a pas accès aux sites payants (ou à la partie payante des sites), alors même qu’il paie plus cher ! Pire, sur certains sites comme celui de Libération, celui qui achète le journal en kiosque se voit interdire la consultation des mêmes articles sur le site, la plupart d’entre eux étant en zone payante pendant les 24 heures de vente du quotidien. Il existe pourtant des solutions techniques très simples, comme les codes QR, qui permettraient à ces consommateurs d’avoir accès au site pendant, par exemple, une journée. Visiblement, l’imagination n’est pas vraiment au pouvoir dans les services marketing.

Côté abonnement, désormais pratiquement tous, à l’exception du Figaro et du Parisien, qui maintient un abonnement pure print, incluent l’accès au site et à sa partie payante. Certains comme La Tribune, ajoute des bonus, comme une édition numérique du quotidien le samedi, qui n’est accessible que pour les abonnés.

L’abonnement couplé, papier+web, fait-il baisser le coût de l’information ?

On pourrait penser que cette formule d’abonnement couplé aurait l’avantage d’abaisser le coût d’accès à l’information. Ce n’est pas toujours le cas: aux Échos, par exemple, si l’on adopte le Pack Premium, il en coûte 168 euros de plus sur une année que le seul achat du quotidien au numéro. Il est vrai que l’offre est particulièrement complète avec l’accès au site et à ses archives et des solutions de mobilité pour les smartphones et l’iPad. Par le jeu des réactualisation (pour l’iPad) et des alertes (smartphone), c’est une forme d’information en continu qui est ainsi proposée. Mais, question: cela vaut-il 168 euros. Il faut si l’on pratique ce genre de formule que l’information produite sur le web apporte une réelle valeur ajoutée par rapport au seul papier.

C’est le cas aussi pour Le Figaro qui fait payer légèrement plus cher son offre bundle, baptisée Global Club, par rapport au seul abonnement papier : 366 euros par an, contre 319. Une offre « cassée » (la différence est de  47 euros) en ce qui concerne le web, puisque l’abonnement « pure web » équivalent, Digital, coûte 180 euros. Elle a le mérite de la logique, on fait payer un peu plus cher l’abonné papier pour les services offerts sur le web, archives, etc., et en mobilité (smartphone et iPad compris).

Mais donc en règle générale, l’abonnement couplé est moins cher que le seul achat du journal en kiosque, c’est le cas pour Libération avec son Offre intégrale, qui comprend l’accès aux archives, au PDF du quotidien et les apps pour mobile et iPad, le tout pour 228 euros. On peut considérer que si l’on adopte cette offre, le prix du journal papier à l’unité est ramené à environ 28 centimes ! Explications: il existe l’offre Première qui est un abonnement pure web à 144 euros par an. La différence entre l’Offre intégrale à 228 euros et Première à 144 euros est donc de 84 euros. En comptant quelques 300 numéros par an, on obtient un prix par numéro papier de… 28 centimes. Une telle proposition ne peut signifier autre chose que : le papier ne vaut rien. Les partisans du papier pourront soutenir que c’est la partie web qui ne vaut pas grand chose.

Plus on paie, plus on a de services

Les abonnements pure web offrent une grande variété, et leur logique semble plus évidente : plus vous payez plus vous avez accès à un grand nombre de services. Mais, il existe de très fortes disparités de prix : le plus coûteux est l’abonnement aux Échos, 360 euros, mais il offre ce service d’information en continu dont je parlais plus haut. Ensuite, pour pour rester dans le registre strictement comparatif, on remarque que La Tribune casse les prix avec son abonnement à 120 euros, suivi par Libération à 144 euros, les autres proposant des abonnements de 180 euros.

La différenciation —outre la qualité d’information proposée par le site— peut se jouer sur les services et par exemple sur les archives, dont l’accès pour certains sites est limité —90 articles pour Le Figaro (pourtant Le Figaro parle d’accès à l’intégralité des contenus !), 25 pour Le Monde, par exemple— et pour d’autres comme Le Parisien, La Croix ou La Tribune, illimité. Un facteur qui pourrait être pris en compte au moment de choisir son abonnement à un site d’information.

Ces offres, pour certaines d’entre elles, comme celle Figaro Digital, comprennent un grand nombre de services [j'en ai compté 20] qui vont de l’abonnement à des newletters spécialisées à des services de conciergerie, et l’inscription dans la communauté du journal, grâce à des cercles de discussion, la possibilité de créer son propre réseau, etc. Pour Le Parisien ce sera des conseils juridiques, des offres promotionnelles sur d’autres produits, etc.

Le problème est que ces avantages supplémentaires ne sont guère valorisés sur les sites (Le Figaro fait un effort avec une vidéo de présentation) où ils se présentent souvent sous forme de listing sans que l’on sache précisément ce que recouvre chacun de ces services potentiels et quelle est leur réalité. Ainsi, si l’on rejoint la communauté du Figaro, ou celle de Libération, il semblerait intéressant de savoir combien de membres en font partie, par exemple, pour savoir ainsi si l’on peut bénéficier d’un effet de réseau ou si l’on se risque de se retrouver dans un désert. Bref, ces offres donnent souvent l’impression qu’il faut d’abord payer pour savoir.

Reste la question des apps. Elles sont pour la plupart gratuites pour l’iPhone, à l’exception de celle du Monde qui est payante (0,79 euros) et celle de Libération, (0,79 euros également et elle offre l’accès à 6 numéros pour 3,99 euros). Pour l’instant, le journal Les Échos est allé le plus loin dans la logique du « payant mobilité » en proposant deux offres : l’une étant un abonnement « mobile » et l’autre un abonnement au seul iPad.

Après ce rapide tour d’horizon, quelques remarques :

- le prix de l’information est lié au support, le moins coûteux étant le mobile et le plus onéreux le journal papier vendu en kiosque. De telles distorsions sont-elles soutenables à moyen et long terme ?

- l’information est beaucoup moins chère sur le web que sur le papier et ce quel que soit le titre. L’écart est grosso modo de 1 à 2. Cet écart peut se justifier par des différences de coût de production et de distribution. Cela rend encore plus intenable sur le long terme l’information papier.

- l’achat d’information « à l’article » est difficile voire impossible. En tout cas, l’offre n’est guère apparente, à l’exception des archives. Le kiosque numérique e-Presse Premium devrait résoudre ce problème. Mais la situation est pour le moins étrange : pour s’informer sur un sujet précis il est nécessaire d’acheter soit la totalité de l’information du jour (quotidien papier) soit de s’abonner pour au minimum un mois. Il y a longtemps que l’on est plus obligé en musique (merci iTunes) d’acheter un album complet si l’on ne souhaite écouter qu’un seul morceau.

- l’information brute, la hot news est désormais gratuite. Elle est considérée par la totalité des éditeurs comme une commodity, comme disent les Anglo-saxons, c’est-à-dire qu’elle n’a pas de valeur, ou en tout cas une valeur très faible. Mais cela pose une question, pour les sites web : pourquoi une information bascule-t-elle du côté du payant ? Ce choix qui n’est pas réellement un choix éditorial mériterait d’être plus expliqué. Là encore sur aucun des sites, je n’ai trouvé d’explication, si ce n’est le fait qu’une « vieille information » basculait dans le payant dès lors qu’elle devenait archive. Un peu court pour un consommateur d’information.

Article initialement publié sur Media Trend

Crédits Photos Flickr : Just Luc / Franck Munari / DubyDub2009 / Yago1.com /

]]>
http://owni.fr/2011/02/21/l%e2%80%99information-%c2%ab-papier-%c2%bb-est-hors-de-prix/feed/ 10
Les Kiosques numériques sont-ils le problème ou la solution de la presse en ligne? http://owni.fr/2011/01/31/les-kiosque-numeriques-sont-ils-le-probleme-ou-la-solution-de-la-presse-en-ligne/ http://owni.fr/2011/01/31/les-kiosque-numeriques-sont-ils-le-probleme-ou-la-solution-de-la-presse-en-ligne/#comments Mon, 31 Jan 2011 13:00:50 +0000 Régis Confavreux et Romain Saillet http://owni.fr/?p=44421 L’annonce n’est guère une surprise : que Google projette d’être présent sur le segment de la vente des journaux est parfaitement cohérent avec sa stratégie. Quand Eric Schmidt (CEO de Google) explique tout le bien que Google peut faire à la presse, évidemment, on se pose des questions. De son coté, Apple fait aussi fureur dans les médias de presse écrite en exigeant des éditeurs une exclusivité de la commercialisation de leur application, seul le couplage d’une édition papier et d’une édition iPad serait autorisé par l’entreprise à la Pomme. …

Avec le numérique, la presse vit un premier traumatisme qui résulte de l’ouverture de nouveaux canaux de distribution, et de la monétisation problématique des contenus éditoriaux sur ces nouveaux canaux. Les métiers d’éditeur de presse restent fondamentalement inchangés : élaborer du contenu, et si possible « de qualité », « enrichi », « augmenté » : les possibilités offertes de diversification et d’enrichissement des contenus sont démultipliées.

C’est ainsi du côté marketing que les bouleversements sont les plus radicaux. La France est un exemple en la matière :  fini le bon temps des NMPP/MLP qui assuraient la vente au numéro, et celui des mailings qui bon an mal an ont permis la croissance des abonnements. Les NMPP/MLP,  à l’image des éditeurs de presse dont elles sont l’émanation,  ont le « papier » comme culture, et n’ont  pris le virage du numérique que tardivement et timidement. Presstallis (ex-NMPP) a certes créé un kiosque numérique, « madeinpresse » : mais qui le fréquente ?

Des éditeurs ont pris des initiatives en dehors du système coopératif. Lagardère a créé Relay, quelques éditeurs de la PQN mettent en place une offre numérique. Des non-éditeurs aussi créent des kiosques numériques – lekiosque.fr, en est un, et certains courtiers aussi (Viapresse par exemple). On trouve de tout, dans ces initiatives, du papier, du numérique, de la vente au numéro, de la vente à l’abonnement, de la vente d’articles, des offres mulitplateformes…

Mais la France n’est qu’une province, et Apple s’est mis en premier sur le marché mondial de la distribution des produits de presse numériques. Dans sa suite, tous les fournisseurs de smartphone et de tablettes.  Avec ces nouveaux acteurs, se pose un problème de taille – un marché mondial qui échappe aujourd’hui aux acteurs nationaux, et la force commerciale des nouveaux entrants est hors de portée pour des opérateurs purement nationaux, qu’ils soient éditeurs ou non.

Les kiosques numériques se multiplient. Quelles conséquences pour les éditeurs ?

Le risque principal est que les éditeurs laissent se recréer un environnement connu : celui des « collecteurs » et autres « courtiers », que ces derniers imposent leurs conditions commerciales et qu’ils captent tout ou partie des informations permettant de qualifier le lectorat d’un titre de presse. L’existence de ces nouveaux courtiers n’est pas un mal en soi. Elle est bénéfique si l’on parle de volume, voire de la marge, car les conditions tarifaires des boutiques en ligne (iTunes, Blackberry etc) sont plus favorables que celles de la plupart des distributeurs physiques.

Ce qui paraît plus dommageable pour la presse, c’est que les conditions commerciales soient définies par le réseau, et surtout, que le réseau rompe dans la plupart des cas le lien entre éditeurs et lecteurs. Comment mettre en place des offres spéciales ? Avoir une stratégie marketing efficace en matière de positionnement, de fidélisation de ses lecteurs? Comment développer une stratégie de vente adaptée à son produit quand le réseau isole le lecteur de l’éditeur, voire est en mesure d’adopter une stratégie commerciale contraire aux intérêts des éditeurs ?

La presse est ainsi confrontée à l’émergence d’une économie de réseau qu’elle ne maîtrise pas, ou qu’en partie, alors même que la gestion d’une telle économie est traditionnellement, en France tout au moins, un des points faibles du secteur.

Quels atouts pour les éditeurs ?

1. L’innovation éditoriale

Alors qu’un nouveau média – Internet et plus généralement les supports numériques – voyait le jour, les éditeurs n’avaient aucune visibilité sur les bouleversements d’usages qu’allait apporter une telle révolution. Ceci pendant des années. Et même aujourd’hui, aux États-Unis, seulement quelques éditeurs ne sont que récemment sortis du lot grâce à leurs expérimentations. C’est le cas de Wired, qui très vite à compris les nouveaux usages de consommation qu’apportaient les tablette tactiles.

“L’arrivée de la tablette offre un grand champ d’expérimentation pour le futur des médias. Dans les prochains mois, nous intégrerons un média social, et nous offrirons une variété de versions et de modalités d’abonnement numérique. Nous apprendrons à travers l’expérimentation, et nous allons observer dans le détail ce que nos lecteurs nous apprendrons sur comment il veulent utiliser leur tablette.”

Chris Anderson Rédacteur en chef de Wired, 26 Mai 2010

Lors de la sortie de l’iPad, Chris Anderson avait en effet toutes les bonnes raisons de croire que l’avenir se trouvait sur les tablettes. Au cours de la première année de commercialisation, le marché des tablettes a véritablement stoppé net la progression des netbook. Avec près de 15 millions d’iPad vendus, Apple a réussi à conquérir un marché qui n’existait pas il y a encore un an. Apple a réussi à positionner sa tablette comme un outil de consultation de média, ce qui a déclenché l’engouement de bon nombre d’éditeurs.

Le premier exemplaire du journal Wired s’est vendu à plus de 100.000 exemplaires – soit 25.000 de plus que la version papier. Créant ainsi un buzz incroyable sur internet. Pourtant dès le second numéro, les espoirs s’évanouissent avec des ventes divisées par 3, pour atteindre péniblement les 33.000 ventes. La chute des ventes ne s’arrêtera pas là, puisque le troisième numéro se vendra à 28.000 exemplaires, malgré une baisse du prix.

Que s’est-il passé durant ces quelques mois pour la demande retombe aussi vite ?

Michael Philippe, co-fondateur de “Lekiosque.fr” propose une réponse. Selon lui, 67% des lecteurs souhaitent retrouver sur leur tablette leur journal papier. Adieu l’innovation et l’enrichissement de l’information : les usages ne sont pas encore installés. Surtout que du coté des éditeurs, le développement d’un journal enrichi tel que Wired ou Paris Match coûte extrêmement cher, et ne peut être créé pour tous les titres de presse.

La problématique qui se cache derrière cette incroyable déception, est celle de la fidélisation des lecteurs. En l’absence de contenu innovant, et d’évolution dans la gestion du lien entre le titre de presse et les lecteurs, les pratiques semblent aujourd’hui se cantonner à des usages “classiques” ou tout au moins déjà connus. D’où un effet déceptif : les attentes aujourd’hui portent sur l’innovation éditoriale. Seuls 9 % des utilisateurs d’iPad  disent ne pas être intéressés par la lecture de leur magazine sur la tablette. Les fonctionnalités plébiscitées pour la lecture interactive sont la vidéo (75 %), de nouveaux contenus (73 %) et des galeries de photos (71 %) (Source : Etude d’Um et de Time Inc., citée par les Clés de la Presse, n°21 janvier 2011).

La tablette numérique n’est pas le remède miracle aux maux de la presse, de même que le numérique, tablettes ou autres, n’est pas la cause de tous ces maux. Ce ne sont pas les “contenants” qui sont en cause, mais les “contenus”. La cannibalisation du papier par le numérique apparaît de plus en plus clairement comme un mythe, qui masque l’incapacité à gérer diversement les contenus en fonction des supports à la disposition des éditeurs. En l’absence d’innovation éditoriale, on offre partout le même produit, parfois payant, parfois gratuit, en ignorant les diversités d’usage et d’attente tout en initiant un cycle de destruction de valeur.

Le challenge éditorial des éditeurs se dessine peu à peu : des contenus adaptés aux contenants, donc de l’enrichissement, et une réactivité éditoriale accrue en raison de modes de consommation eux-mêmes beaucoup plus versatiles que dans le passé. En ce sens, le confort de l’abonnement (et plus encore celui de l’abonnement par prélèvement bancaire) va rapidement se transformer en souvenir, tandis que les incertitudes et fluctuations de la vente au numéro sont appelées à rythmer la vie de l’éditeur…comme il y a 50 ans.

2. L’innovation publicitaire

Cette même étude nous apprend que :

“Les annonces sur la tablette d’Apple retiennent l’attention à 86 % et sont même appréciées pour leurs fonctions interactives pour 82 % des répondants”

Source : Les Clés de la presse du 21 janvier 2011

Ce n’est bien sûr pas le réseau, mais l’éditeur qui est à même d’inventer de nouveaux formats publicitaires, plus événementiels, plus informatifs, plus  interactifs, sur la marque annonceuse. Passer de la vente au poids à une approche qualitative en matière publicitaire, à condition bien sûr d’être en mesure de connaître ses lecteurs et de pouvoir les qualifier.

3. L’innovation commerciale

En matière de marketing, tout est à inventer. Lekiosque.fr souhaite par exemple développer une nouvelle offre, permettant la consultation de 5 magazines par mois pour moins de 5 euros. Cette offre commerciale s’adapte à notre nouvelle consommation de l’information. Nous ne sommes plus fidèle à un seul journal, ni magazine. Nous nous laissons guider par une première de couverture, un dessin, une info, une exclu, puis dans second temps, par le nom du journal. Cette offre permettra ainsi d’apporter un souffle d’air frais sur les offres d’abonnement aujourd’hui en place.

Cette prise de position a pour elle le mérite de la rationalité économique. Elle répond à une problématique de réseau de distribution, de son animation, de ses performances. Elle ne se substitue pas à la politique commerciale de l’éditeur. Encore qu’on ne sache pas quel type de remontée qualitative vers l’éditeur va être acceptée par ce nouveau kiosque numérique. Nul doute que la qualité de ces remontées constituera un avantage concurrentiel déterminant pour le réseau qui jouera pour, et non contre, les éditeurs.

Dans ce jeu commercial, les éditeurs ont donc des atouts fondamentaux : eux seuls ont la maîtrise de l’innovation éditoriale et publicitaire; eux seuls ont la maîtrise d’une politique marketing sophistiquée de couplage et d’offre éditoriale composites ( les produits de base et des produits dérivés); eux seuls ont la maîtrise leur marque hors réseaux de distribution, via les réseaux sociaux (à titre d’exemple : la part des lecteurs qui “fréquentent” une marque non par accès direct au site mais par recommandations d’article via Facebook, twitter etc… est grandissante : près de 50% pour des sites comme OWNI ou Rue 89)

Tous ces atouts sont mis en danger en l’absence d’un maîtrise des réseaux de distribution : c’est ce qui prend forme si la logique Apple s’impose.

Le nœud gordien : comment gérer les réseaux de distribution ?

Pour les éditeurs, cette interface commerciale peut vite devenir un réel handicap pour le développement de leur stratégie commerciale. Les Google et autres Apple font peur aux éditeurs, car économiquement, aucun éditeur ne peut rivaliser avec la taille de ces poids lourds. Le choix cornélien est alors de faire le choix le moins pire : accepter les conditions commerciales imposées (sur sa boutique d’applications, Apple ponctionne 30% du prix final, lequel n’est même pas libre), et ne plus avoir de contacts avec ses lecteurs, ou alors ne pas y apparaître, mais ne pas profiter de cette formidable vitrine.

En quelques mois, Apple s’est imposé comme une alternative obligée à la diffusion des titres de presse. Aujourd’hui, Apple, Google et autres opérateurs de smartphone prennent les moyens de  s’imposer sur la commercialisation du produit de presse. Pourtant, les relations commerciales de proximité avec son réseau sont une des bases fondamentales du bon fonctionnement d’un média, réactif qui évolue en fonction de son auditoire.

Apple commet une erreur stratégique en imposant aux éditeurs de renoncer à leur propre système de commercialisation de leurs versions tablette ou smartphone pour que leur présence dans Applestore soit maintenue. En effet, de deux choses l’une :

  • soit  Apple est en position dominante sur ce marché de la distribution de la presse. Il serait étonnant qu’une autorité de la concurrence ne sanctionne pas un tel comportement constitutif d’abus de position dominante.
  • soit Apple n’est pas en position dominante, et d’autres offres lui sont substituables. Alors Apple perdra des clients, et favorisera l’achalandage de ses concurrents.

Nous penchons pour la deuxième solution. Des I-stores se développent et vont se développer encore en concurrence frontale avec Apple (merci Google, merci Blackberry et autres vendeurs de smartphones ;) , établissant ainsi, du point de vue du droit de la concurrence, des offres de substitution pour le consommateur. L’initiative, en France, de la PQN de saisir la DGCCRF est fondamentale. Nous aurons enfin une analyse des marchés par les autorités françaises de la concurrence, et une mise sous surveillance de ce marché. Car d’autres risques existent : que les principaux acteurs coordonnent leurs actions, créant ainsi des oligopoles défavorables à l’intérêt du consommateur final, par exemple.

Les kiosques numériques sont en plein essor et promettent un réel développement des usages de lectures des journaux et magazines papiers. Ces kiosques sont un maillon d’un réseau émergeant et complexe de distribution de la presse, constitué de kiosques d’éditeurs, de kiosques de non éditeurs,  et bientôt de points de vente sur les réseaux sociaux, tandis que tout indique que la vente en kiosque va reprendre une part prédominante dans la diffusion des titres de presse par rapport à l’abonnement.

Plutôt que d’engager l’avenir de la distribution de la presse dans des conditions dictées par le réseau “non-éditeurs” il est crucial que les éditeurs maîtrisent l’organisation et le fonctionnement de ce réseau dans ses différentes composantes. Pour cela, ils disposent d’atouts, dans le domaine éditorial, dans celui de la publicité, et dans l’évolution de leurs méthodes de marketing et de promotion de leur marque. Et ils bénéficient d’une protection : le droit de la concurrence. Mais ils souffrent d’handicaps certains : l’inaptitude à l’innovation dans un environnement en forte évolution, et  l’absence de solidarité professionnelle.

—-

Crédit Photo Flickr CC : ஃ முதல் அ வரை / BenMarvin / angelicchiatrullall (yeppa!) / JmGall54 / K-Ideas

]]>
http://owni.fr/2011/01/31/les-kiosque-numeriques-sont-ils-le-probleme-ou-la-solution-de-la-presse-en-ligne/feed/ 4
Quand le texte devient intelligent http://owni.fr/2010/05/16/quand-le-texte-devient-intelligent/ http://owni.fr/2010/05/16/quand-le-texte-devient-intelligent/#comments Sun, 16 May 2010 18:06:02 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=15511 Avant : vous butez sur un mot, il vous faut faire une recherche pour connaître son sens/sa traduction. Les pages défilent, figées.

Après : la traduction ou la définition apparait sur la page. Des images, des sons… surgissent au fur et à mesure de votre progression.

Tout cela est possible grâce à un projet développé par des Allemands, Text 2.0. Le concept, vous aurez compris, rendre le texte “intelligent”. Grâce à un système d’eye-tracking (oculométrie en français), le texte “sait” où vous en êtes de votre lecture et quels sont vos éventuels besoins, pour améliorer votre expérience de lecture. Et les possibilités offertes par les actuels e-readers et tablettes paraissent du coup bien archaïques. Le meilleur reste à venir… Selon Wired, Apple aurait d’ailleurs acquis la technologie d’eye-tracking de Tobii Technology en vue de l’intégrer dans sa prochaine version de l’iPad. Le potentiel est aussi publicitaire a souligné le HuffPo.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Vidéo trouvée chez Bibliobsession

]]>
http://owni.fr/2010/05/16/quand-le-texte-devient-intelligent/feed/ 3
IPad: premières impressions d’un “early adopter” http://owni.fr/2010/04/08/ipad-premieres-impressions-dun-early-adopter/ http://owni.fr/2010/04/08/ipad-premieres-impressions-dun-early-adopter/#comments Thu, 08 Apr 2010 14:48:28 +0000 Benoit Raphaël http://owni.fr/?p=11856

Applications, et en particulier celles de la presse, prix, équipement, usages…, quels sont les avantages et les inconvénients de la tablette d’Apple ?

Comme certains d’entre vous ont pu le voir sur Twitter, ou sur certaines chaînes de TV (je n’ai pas trouvé les liens vers BFM-TV, si vous avez…, merci RichardTrois pour le lien) et de radio, j’ai eu la chance de pouvoir me rendre à New York le jour du lancement du iPad, avec l’ami Geoffrey La Rocca de RMC.

Je ne vais pas m’étendre sur le déroulé des événements. De nombreux compte-rendus ont déjà été faits. Je retiens simplement l’étonnante capacité qu’ont les Américains de faire du lancement d’un produit un moment de fête.  Mais surtout le professionnalisme d’Apple. Il y avait certes moins de monde que prévu, mais l’excellente organisation a permis d’éviter les bousculades et l’attente (moins de 20 mn pour être servi après l’ouverture des portes). On aime ou on n’aime pas, mais j’ai pris une belle leçon de marketing.

Cliquez ici pour visionner le diaporama
1) Sauveur de la presse écrite ?

Premier constat, après de nombreuses heures de prise en main : l’iPad ne va pas sauver la presse écrite.

L’idée que la sortie d’un e-book allait brutalement changer les usages, c’est-à-dire faire oublier aux lecteurs quinze ans de navigation libre sur le web pour revenir au format traditionnel du magazine dans le même environnement fermé que jadis, était évidemment naïve.

Elle parait encore plus saugrenue une fois que l’on a eu la tablette en main.

Certes, les premières applications presse que j’ai pu tester pourraient être améliorées.
Je passe rapidement sur celle du Monde, simple pdf porté sur e-paper, ridicule et inutile. Celle de Paris Match est dans le même esprit : on reproduit le magazine, à l’identique, sur iPad. Time Magazine fait pire : chaque e-magazine est venu plus de 4 dollars !

La plus réussie jusqu’ici, est l’application du Wall Street Journal. Les éditions du jour sont payantes, mais on peut consulter gratuitement une édition “live”. L’expérience est plutôt agréable. L’appli reprend l’architecture d’un journal traditionnel, ce qui se marie plutôt bien avec le format de la tablette, et remplace généreusement les photos par des vidéos. Ce qui donne la drôle d’impression de se retrouver devant le Daily Prophet, le fameux journal papier de Harry Potter, dont les photos sont animées.

Seul hic : la navigation web avec Safari est très agréable et n’a rien à voir avec celle sur iPhone. Ce qui réduit l’intérêt de l’application. Pour l’instant, il est presque plus intéressant d’aller sur le site du NY Times

… que sur son application iPad.

Pour nous ramener vers leurs applications, les médias devront donc sérieusement travailler leurs interfaces, afin d’offrir une expérience utilisateur vraiment compétitive.
Sans doute devront-ils envisager les applications comme des hors-séries, des packaging “jetables”, plutôt que comme des médias tout en un. Et faire appel à des game designer (les professionnels du jeu vidéo).

À ce titre, l’application d’AP, présentée comme un album photo/vidéo, est déjà beaucoup plus ambitieuse (même si je la trouve assez ratée, par ailleurs).

2) L’avenir des appli média est là :

Parmi la première livraison, les applications média les plus intéressantes étaient les agrégateurs.

- Newsrack, par exemple, se branche sur votre compte Google Reader pour télécharger tous vos flux RSS. L’interface, sans être révolutionnaire, est claire et agréable, avec des outils de partage et la possibilité de “sortir” pour aller sur Internet.

Je peux y lire mes blogs favoris, mais aussi les sections du NY Times et du Monde qui m’intéressent.
C’est devenu la première application que j’ouvre sur mon iPad.

- StumbleUpon : il s’agit de l’application du service du même nom, que vous connaissez peut-être déjà sur Internet. Ce méta-média s’appuie sur ce que partagent les utilisateurs pour proposer une sélection de news, de photos, de vidéos et de billets de blog.

- Early Edition : présente vos flux RSS sous la forme d’un journal dont on tourne les pages.

On le voit bien, si l’ergonomie de l’écran nous ramène au format magazine, cela ne veut pas dire que les médias papier sont avantagés. Rien n’empêche de présenter une sélection de contenus venus de plusieurs médias en ligne et de les présenter dans une interface ergonomique à la manière d’un journal ou d’un livre.

L’iPad est finalement plus une nouvelle façon d’aborder les contenus qu’un e-book au sens où on le comprenait jusqu’ici.

3) Mais à quoi va servir l’iPad ?

L’expérience utilisateur de l’iPad est vraiment incroyable. Les actions sur l’écran tactile sont fluides, agréables, l’expérience est à la fois sensuelle et intellectuelle.
Alors, oui, on peut le voir comme un objet hybride, difficile à situer entre notre smartphone et notre ordinateur portable. On peut le voir comme une gadget de trop.
Mais on peut aussi le voir comme une nouvelle façon d’aborder l’ordinateur, les médias, et le réseau.
Comme l’explique très bien Steven Levy dans Wired, cela fait des années que les interfaces des ordinateurs n’ont pas évolué. Alors que le web a bouleversé nos usages, nous avons conservé notre vieille façon d’utiliser un ordinateur : un clavier, un écran, des logiciels, des fichiers, des prises de connection (USB, HDMI…), des lecteurs de Blue-ray, de DVD venus remplacer le lecteur de disquette…

L’iPad ne va sans doute pas assez loin, on peut penser que la vision de Google du cloud computing (logiciels directement en ligne) et du réseau devrait ringardiser l’écosystème des applications installées sur la tablette. Nous verrons. Mais l’outil nomade tactile révolutionne déjà l’antique ordinateur. C’est une première étape. Et c’est la principale innovation de l’iPad : plus qu’un e-book ou un mini-lecteur de médias, la tablette d’Apple est un “ordinateur” nouvelle génération.

Très léger, nomade (dix heures d’autonomie !), proposant une qualité d’image fantastique, l’iPad me permet certes de télécharger et de consommer des médias (livres, films, photos, jeux…) mais surtout de produire et de partager. Je peux écrire des textes, travailler sur des tableurs ou des présentations, retoucher mes photos, faire ou d’écouter de la musique, dessiner, prendre des notes, partager mes fichiers, régler mes achats…

À ce titre, le clavier tactile est une merveille d’ergonomie. Zéro défaut !
Personnellement, je laisse désormais mon MacBook Pro chez moi et ne me déplace qu’avec mon iPad.

4) Un outil incomplet

Dans cette optique, d’ailleurs, l’iPad est loin d’être parfait. Et même assez frustrant.

- L’écran : il est agréable, certes, mais il se comporte assez mal au soleil. Trop de reflets. Lire un livre en pleine lumière est assez fatiguant. Même dans l’obscurité, l’écran rétro-éclairé abime les yeux, contrairement au Kindle.

- La portabilité des applications iPhone : elle est présentée comme un atout. En fait, vous vous rendre vite compte qu’elle ne présente pas beaucoup d’intérêt. Le clavier devient ridiculement petit, et la résolution est médiocre.

- Pas de multitâches : devoir jongler entre les applis est vite frustrant. C’est un vrai handicap.

- Pas de connection USB : une lacune qui limite l’utilisation de l’objet comme un nouvel ordinateur portable (même si on peut le connecter à un ordinateur). Partager ses fichiers est possible (une fonction d’iTunes vous permet d’importer vos documents Word ou Excel par exemple), mais il est très compliqué de les faire naviguer entre les différentes applis. Encore un handicap qui milite pour le cloud computing.

- Le prix des applications : on tourne en moyenne autour de 9 dollars l’appli. Deux à trois fois plus cher que sur iPhone. Les livres sont assez cher aussi : premier prix à 9,9 dollars. On trouve parfois la version papier pour moins cher !

- L’absence de webcam : frustrant, à l’heure de Chatroulette !

- L’absence de flash : la lecture des sites Internet est sérieusement limitée. Même si de plus en plus de médias abandonnent la technologie Flash pour pouvoir être lus sur iPhone et iPad.
Plus généralement, il y a encore des progrès à faire avec le navigation web. Je n’ai pas pu rédiger mon billet depuis l’iPad par exemple. L’interface de Blogger présente de vrais problèmes de compatibilité.

D’ailleurs, l’ergonomie particulière de l’iPad (tout sur un écran, absence de scrolling vertical, pas de flash, la dimension tactile) va certainement bouleverser la façon dont nous concevrons, demain, nos sites web.

D’ici là, j’attends les prochaines versions. Et les tablettes des concurrents. On verra alors si les 300.000 ventes du week-end se transformeront en raz-de-marée. Et si l’iPad est bien la première étape d’une révolution des usages.

- Pour aller plus loin : je vous conseille la sélection de liens d’AFP Médiawatch.
- Les photos et les captures d’écran sont de moi.

Billet initialement publié sur Demain tous journalistes ?

]]>
http://owni.fr/2010/04/08/ipad-premieres-impressions-dun-early-adopter/feed/ 5
iPad jour zéro http://owni.fr/2010/04/05/ipad-jour-zero/ http://owni.fr/2010/04/05/ipad-jour-zero/#comments Mon, 05 Apr 2010 07:42:03 +0000 Martin Lessard http://owni.fr/?p=11599 Et le Saint IPad fut. Photo CC Flickr djcasti

Et le Saint iPad fut. Photo CC Flickr djcasti

On se réveille un jour et le monde a changé. L’iPad espère créer cette impression aujourd’hui, jour de son lancement. Réflexion autour d’un petit café pour ceux qui sont loin du centre du monde (c’est-à-dire un Apple Store américain).

iPad

L’iPad possède un avantage certain, relève Doc Searls sur son blogue hier : il arrive avec 100 000 applications prêtes à l’emploi. Bien sûr, dit-il, la première version, comme toutes les premières versions (voyez l’iPhone première génération), sera rapidement démodée et ressemblera à une antiquité dans un an.

Cela n’empêche pas les fans de faire la file pour s’en procurer, raconte Michel de Guilhermier, à 1 heure du matin ce matin, sur 5e Avenue à New York, près de soixante personnes étaient déjà en place devant l’Apple Store. Pour les réactions à chaud dans la file ou à l’ouverture des portes, une collection de canaux vidéo en direct saura vous combler, dont celui d’ubiquiste et ineffable Scoble.

Ceci est mon iPad, livré pour vous. iMen!

« iPad, c’est notre technologie la plus avancée dans un appareil magique et révolutionnaire, à un prix incroyable », avait déclaré Steve Jobs au dévoilement en début d’année.

Sera-elle la technologie miracle qui fera consommer le grand public le contenu numérique des médias traditionnels ? Son écran tactile, le WiFi, l’autonomie de la batterie et l’ergonomie de l’acquisition de contenu payant (aka l’App Store) et son bas coût (500 $ US pour le modèle d’entrée) sont autant d’arguments en sa faveur.

Le Kindle, maître incontesté du marché avant la sortie de l’iPad, est maintenant un artefact qui semble avoir appartenu à l’homme du Néandertal. Je crois qu’il y a un momentum sur le marché. Apple, en gonflant l’iPod Touch en iPad (c’est foncièrement le même appareil, mais en plus large), s’avance en terrain connu et décoiffe tous les concurrents actuels.

Est-ce le succès miracle donc ? Je n’ose pas m’avancer. Je crois que l’iPad a toutes les caractéristiques pour révolutionner l’industrie du contenu. Mais en cette matière, ce sont les consommateurs qui décident du marché. Que le produit soit révolutionnaire ou non. On verra avec l’adoption… et la réaction de la concurrence.

Les voies impénétrables d’Apple

Dans la file d’attente, à New York, il y aura Benoît Raphaël, qui pense que Steve Job aurait « peut-être encore mis le doigt sur le point de rupture d’une nouvelle révolution. Mais de quelle révolution parle-t-on ? »

Il a écrit cette semaine, à propos du « frisson irrationnel» qui parcoure l’industrie médiatique « J’ai même entendu (de mémoire) : le web, c’est fini. C’était un mauvais cauchemar. Nous allons pouvoir nous remettre au travail comme avant et vendre nos journaux. L’iPad, c’est le nouveau kiosque à journaux. » (source)

Mais il met un bémol.

Attention à la consanguinité

Avant toute chose, tout comme lui, je suis convaincu que le système de micropaiement offert par le système de l’App Store (déjà présent sur l’iPhone et ayant déjà quasiment avalé toute l’industrie de la musique avec l’iTunes) fera en sorte que les utilisateurs paieront pour du contenu numérique.
C’est en effet un kiosque unique global. L’App Store, qui prendra 30 % de commission au passage (comme c’est déjà le cas pour les applications iPhone), est le seul canal de distribution possible. Une ruée vers l’or ? Apple s’en frottera les mains.

Mais la vraie révolution de l’iPad, comme l’explique Benoît Raphaël, c’est l’interface, pas l’accès au contenu. « Nous sommes passés de l’ère du site web, à celle du portail, puis à celle de l’info liquide. Les supports nomades tactiles signent le retour de l’interface. Une interface qui ressemble à la “vraie vie”, qui nous rapproche des gestes quotidiens… [...] Ce n’est en effet pas tant le contenu que l’on va vendre, que l’usage appliqué à ce contenu facilité par l’interface. » (source)

Mais les médias traditionnels, presse papier et audiovisuel, qui s’empresseront de pousser leur contenu tel quel sur l’iPad seront fort déçus. Le packaging devra être revu sous peine de non-recevoir de la part des usagers. Une interface agréable, comme pour les magazines. C’est que les gens achèteront. Le contenu brut, sans valeur ajoutée, porté tel quel sur l’iPad, comme le contenu qui l’a été jadis sur le web, n’aura pas de valeur.

Ce qui aura de la valeur, comme le suggère Benoît Raphaël, c’est l’hyperconnectivité, les réseaux sociaux et l’interconnexion des datas.

Exemples d’interface iPad, par industrie

- [vidéo] Magazine Wired
- [vidéo] Chaîne spéalisée : Sport Illustrated
- Comic book : Marvel
- [vidéo] Jeu de course : Real Racing HD
- [vidéo] Journal : Wall Street Journal
- [vidéo] Bourse : E*Trade Mobile Pro
- [vidéo] Jeu de table : Scrabble (avec le iTouch)
- [vidéo] Navigation web : Safari
- [vidéo] Courriels : Mail

Mais la rébellion se prépare

Aussi bon soit-il, l’iPad n’arrive pas seul sur un terrain vide : même si Apple contrôle toute la verticalité de son écosystème (de ce qui entre via les App Stores et jusqu’aux périphériques), des joueurs à l’horizontale, nous rappelle Doc Searl, entreront probablement dans le jeu très rapidement avec Android et Sebian (qui sont des OS qui peuvent rouler sur d’autres tablettes).

Ce qui se joue ici est la liberté d’accès au contenu. L’iPad sera sûrement fantastique, mais Apple ne me laissera pas jouer avec ce que je veux et de la façon que je le veux. C’est une prison dorée pour contenu riche.

Billet initialement publié sur Zéro seconde

D’autres points de vue sur l’iPad : Les mirages de l’iPad ; Trouver un jeu de mot avec “iPad”, en guise de titre ; Kind(le) of a(n I)pad : du passé faisons tablette rase ; Apple iPad : analyse d’une déception logique ; La presse court derrière la Tablette comme un canard numérique sans tête

]]>
http://owni.fr/2010/04/05/ipad-jour-zero/feed/ 1
Kind(le) of a(n I)pad : du passé faisons tablette rase http://owni.fr/2010/01/30/kindle-of-an-ipad-du-passe-faisons-tablette-rase/ http://owni.fr/2010/01/30/kindle-of-an-ipad-du-passe-faisons-tablette-rase/#comments Sat, 30 Jan 2010 10:34:08 +0000 Olivier Ertzscheid http://owni.fr/?p=7423 Donc voilà la tablette d’Apple. Quelques millénaires après les premières traces d’écriture gravées dans la pierre. Ce qui donne lieu a quelques jolies infographies :-)

Ipaddepierre

Difficile de ne pas en parler quand on est un adepte du mac et que l’on se pique un peu de tenter d’expliciter les bouleversements à l’oeuvre dans nos supports et nos pratiques de lecture numérique. Difficile également d’en parler en racontant encore quelque chose d’original sur le sujet tant toute la presse (professionnelle ou non) et tous les blogs (y compris les plus fameux) nous ont déjà abreuvés jusqu’à l’écoeurement d’articles sur le sujet.

Or donc, nonobstant, quelques impressions décousues.

Il y a tout d’abord ce match. Bezos/Amazon/Kindle (BAK) contre Jobs/Apple/Ipad (JAI). Deux outils ou plus précisément deux conceptions de l’outil. Deux marchands qui ont, chacun à leur manière, compris la nécessaire dépendance d’une industrie culturelle devant à la fois se trouver dans les nuages et bien ancrée sur terre ; ainsi la boutique en ligne d’Amazon et ses gigantesques magazins sur le terrain, ainsi l’offre en ligne de contenus d’Apple et son industrie du software et du design, là encore parfaitement territorialisée. Mais je m’éloigne de mon sujet.

Jobsvsbezos

D’un côté donc, le Kindle comme “emblématique” de l’ensemble des autres tablettes dédiées, c’est à dire se focalisant sur une pratique, celle de la lecture. De l’autre l’Ipad comme représentatif de l’ensemble des tablettes non-dédiées (smartphones compris), c’est à dire visant à englober un ensemble de pratiques (de la lecture ou visionnage de films, en passant par la musique et les jeux ou la bureautique).

Sur la question de le lecture, l’Ipad est disruptif. Voici pourquoi. Contrairement à ce que j’ai pu lire ici ou là, le positionnement de l’Ipad sur le marché de la lecture numérique me semble bien “disruptif”. Ainsi, aucun dispositif d’encre électronique n’est utilisé et l’on se retrouve donc avec une machine à lire qui fait l’impasse totale de ce qui a pourtant été présenté depuis 10 ans comme LA raison de l’échec des premières machines à lire, à savoir la fatigabilité qu’entraîne la lecture sur écran sans encre électronique. Oui. On va lire sur un écran LCD. Comme nous le faisons d’ailleurs tous quotidiennement et plusieurs heures durant sans que cela ne nous pose de réels problèmes. Là où Steve Jobs est probablement le plus disruptif c’est qu’il (semble) avoir compris avant les autres que les dispositifs de lecture dédiés ne supplanteraient ni ne remplaceraient jamais l’ensemble des affordances potentielles d’un bon vieux livre papier.

RIP les “e-readers”. Et tant mieux. Comme l’écrivait je ne sais plus qui dans un de ses billets sur le sujet, il y a de fortes chances pour que d’ici quelques temps les liseuses ou autres e-readers soient relégués à des offres promotionnelles ou directement offertes avec les magazines ou titres de presse, un peu comme le sont aujourd’hui l’ensemble des lecteurs MP3 (la sortie de l’Ipod n’étant pas totalement étrangère à ce phénomène). Soit dit en passant, cette relégation est à mon avis éminemment souhaitable, en ce qu’elle ramènerait ces outils à ce qu’ils doivent être : non pas des dispositifs d’achat ou de location-vente pour CSP++, mais des agrégats bon marché de lectures interchangeables ; des clés USB avec écran.

“Tout l’univers de nos industries culturelles, dans un format confortable.” C’est sans conteste à l’auteur de cette phrase que j’attribue la palme d’or du meilleur billet sur la sortie de l’Ipad : pour sa sobriété, sa concision et plus précisément pour le passage suivant :

  • tout l’univers de nos industries culturelles, dans un format confortable. Avec une touche d’interaction – la disponibilité d’un clavier – pour améliorer nos circulations et documenter nos consultations. Avec surtout la connexion permanente, wifi ou 3G, qui permet de relier ce super-lecteur à nos bibliothèques dans les nuages, et annule toute velléité de collection.

Tout est dit. Mais bon comme je suis un peu bavard je vais quand même me permettre d’abonder :-)

9100-livre-search
(Source de l’image : les si nécessaires carnets de la Grange)

Du “statim invenire” au “statim accedere”Statim invenire. En latin : trouver vite. Ou comment, dans l’histoire du livre et de la lecture, le document trouve sa forme en fonction de son utilité : l’adoption de l’ordre alphabétique, l’établissement systématique d’index permettront de manipuler plus rapidement les contenus, donc de trouver plus vite. Et le livre d’entrer dans sa modernité. Dans l’ère du numérique, l’ordre alphabétique est l’interface. L’index, plus exactement l’un des index essentiels de l’ère numérique, c’est l’ergonomie. Tous deux, interface et ergonomie obéissent à cette nouvelle règle d’or du statim accedere : accéder vite. Or dans ces deux domaines, Apple avec l’Ipod (pour l’ergonomie aujourd’hui si “naturelle” de ses menus arborescents déroulants accessibles en un seul bouton-tournant), avec l’Iphone (pour la nouvelle grammatisation dont il est porteur), et désormais avec l’iPad (pour ce nouvel alphabétisme d’une interface non pas simplement “de consultation” mais bien d’une interface pour toutes les consultations), dans ces deux domaines donc, Apple est certainement celui qui aura le plus significativement contribué à l’entrée dans la modernité de l’ensemble de nos pratiques culturelles.

Lecture intensive et lecture extensive dans les (charades à) tiroirs du numérique. A priori, on pourrait être tenté de lire dans l’antagonisme entre les tablettes fermées (archétype : Kindle) et les tablettes ouvertes (archétype : iPad), la bonne vieille évolution qui mena de la lecture intensive à la lecture extensive :

  • Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, à la lecture “intensive” en succéderait une autre, qualifiée “d’extensive”. Le lecteur “intensif” est confronté à un corpus limité et fermé de textes, lus et relus, mémorisés et récités, entendus et sus par coeur, transmis de génération en génération. Les textes religieux, et en premier lieu la bible en pays protestants, sont les nourritures privilégiées de cette lecture fortement empreinte de sacralité et d’autorité. Le lecteur “extensif”, celui de la Lesewut, de la rage de lire qui s’empare de l’Allemagne au temps de Goethe, est un tout autre lecteur : il consomme des imprimés nombreux et divers, il les lit avec rapidité et avidité, il exerce à leur endroit une activité critique qui ne soustrait plus aucun domaine au doute méthodique.” Roger Chartier, “Du codex à l’écran”, in Solaris

On pourrait donc filer ainsi l’analogie : aux tablettes fermées la “rumination” (au sens premier du terme) de textes, aux tablettes ouvertes, “extensives”, la rage d’accéder (sinon de lire). Sauf que. Sauf que naturellement cette impression initiale ne tient pas complètement. Pour tout un tas de raisons dont le fait qu’il n’est pas (encore) acquis que la diversité de l’offre pour les secondes sera supérieure à celle pour les premières. Et que même dans les tablettes ouvertes, de nombreux points de fermeture subsistent (dontles DRM ou la non-interopérabilité). Mais il est un point pour lequel cette analogie semble opérer si l’on remplace, dans le texte de Chartier, les mots “textes” et “imprimés” par “biens culturels” et “lecteur, lecture” par “utilisation, utilisateur, usage, usager”. Résultat (en gras, les passages transformés) :

  • Dans la première moitié du 21e siècle, à l’usage “intensif” des biens culturels en succéderait un autre, qualifié “d’extensif”. L’usage “intensif” est confronté à un corpus limité et fermé de biens culturels, lus et relus, mémorisés et récités, entendus et sus par coeur, visionnés de génération en génération. Les vidéos de YouTube ou, et en premier lieu, l’encyclopédie Wikipédia, sont les nourritures privilégiées de cet usage fortement empreint dedésacralisation et d’autoritativité. L’usage “extensif” (…), celui de la rage d’accéder, (…) est un tout autre usage : il consomme desbiens culturels nombreux et divers, il les utilise avec rapidité et avidité, il exerce à leur endroit une activité critique qui ne soustrait plus aucun domaine au doute méthodique.“ D’après Roger Chartier …

Vous aurez noté que je n’ai rien changé à la fin de la citation. C’est probablement dû à mon côté prof, mais je croie fermement à la multiplicité et à la diversité comme moteurs premiers de l’activité critique, n’en déplaise aux nouveaux culs-bénits que sont l’ensemble des contempteurs d’internet vécu comme “tout à l’égoût” de la démocratie et autres “far-west culturel”.

Kindle intensif contre iPad extensif. Pour être binaire et légèrement capillo-tractée (à vous de juger), l’analyse la perspective d’analyse ne m’en semble pas moins être fondée (dans le cas contraire, les commentaires sont ouverts). Elle (me) permet en tout cas de caractériser une bifurcation, de celles dont on ne revient en général pas. Le livre (numérique s’entend) ne peut isolément poursuivre un chemin abrité, à l’abri des autres biens culturels de consommation courante. L’autre voie de cette bifurcation, exemplifiée plus qu’inaugurée par le lancement de l’iPad, est faite de convergence. Plus précisément de convergences.

Convergence numéro 1 : celle des écosystèmes et des stratégies marchandes des big 4 :

Convergence1
(Source : http://bits.blogs.nytimes.com/2010/01/22/a-big-picture-look-at-google-microsoft-apple-and-yahoo/)

Convergence numéro 2 : ATTENTION !!!

En tout cas attention aux profonds risques de ruptre, de digergences que pourraient, à terme, occasionner certaines convergences de l’attention :

Convergence numéro 3 : celle des dispositifs naturellement. Avec quelques charmants à-côtés cosmétiques.

Sacoche-pour-ordinateur-portable


Convergence numéro 4 : celle des dispositifs disais-je. Mais de TOUS les dispositifs. Puisque la prochaine console Nintendo DSi XL permettra, (pour la france en partenariat avec Gallimard) de lire des livres. Troublant ? Innovant ? Divergent ? Confondant ? Que nenni. Convergent. A l’heure de la convergence des l’ensemble de nos autres pratiques connectées, en quoi la lecture devrait être la seule pratique technologique divergente ?? C’est là encore le message que semble nous adresser Steve Jobs avec son iPad : ne pas mettre la lecture au centre, à l’isoloir, mais la laisser là où elle s’épanouit (et se vend aussi le mieux …), c’est à dire dans la périphérie de l’ensemble de nos pratiques culturelles connectées.

Convergence de tous les dipositifs au nom de nouvelles et nécessaires affordances. Dont celle-ci est un exemple parfait, où l’Ipod se fait souris.

Touch-mouse-3

Bref ça converge dur. Et l’on aurait bien tort d’y voir une quelconque trivialité ;-)

Et pour finir, la sainte-trilogie blogosphérique à lire impérativement sur le sujet (de l’iPad) :

» Article initialement publié sur affordance.info

]]>
http://owni.fr/2010/01/30/kindle-of-an-ipad-du-passe-faisons-tablette-rase/feed/ 3
La presse court derrière la Tablette comme un canard numérique sans tête http://owni.fr/2010/01/28/la-presse-court-derriere-la-tablette-comme-un-canard-numerique-sans-tete/ http://owni.fr/2010/01/28/la-presse-court-derriere-la-tablette-comme-un-canard-numerique-sans-tete/#comments Thu, 28 Jan 2010 06:39:58 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=7290 Dix ans après le Big Bang numérique qui a mis fin à l’ère Gutenberg, la presse continue à courir désespérément après un nouveau modèle économique et à divaguer en tout sens comme un canard sans tête. Et ce n’est pas la Sainte Tablette d’Apple – dévoilée ce soir à 19h00 heure de Paris par le divin Steve Jobs depuis son Temple de Cuppertino – qui devrait répondre d’un coup de baguette mystique au questionnement existentiel des journaux papier. L’attente des éditeurs pour ce terminal hybride à écran tactile finalement baptisée “Ipad” et ressemblant à un iPhone XXL (l’écran fait 10 pouces, soit moins d’une feuille A4) est pourtant énorme.

Pensez-donc : à mi-chemin entre l’iPhone, les fameux “readers” et le mini-mac, l’ardoise électronique d’Apple qui sera commercialisée dès la fin mars aux Etats-Unis et sans doute en Europe permettra de lire la presse en version numérique avec un confort inégalé : format plus agréable grâce à un écran 10 pouces (trois fois plus grand que celui de l’iPhone), affichage en couleur (quand le Kindle d’Amazon est encore noir et blanc), possibilité de “feuilleter” son journal, de voir des vidéos associées aux articles… le tout “anywhere, anytime” puisque le nouveau joujou de la firme à la pomme pourra se connecter à internet en Wifi (et en “3G”) et qu’il tiendra dans un sac à main.

Le prix est bien inférieur à ce qu’on imaginait : 499 dollars pour le modèle 16Go, 599 dollars pour le 32 Go…on est loin des 800 voire 1000 dollars sur lesquels la blogosphère spéculait. Le forfait données est à l’avenant : 29,99 dollars pour l’internet illimité chez ATT !

apple-creation-0362-rm-eng

Devant tant d’atouts et comme hypnotisée par le Buzz qu’a créé Apple autour de sa Tablette, la presse déboussolée pense enfin tenir sa “killer application” : le terminal ultime pour convaincre l’internaute de “payer pour voir”, alors que la culture de la gratuité s’est imposée massivement sur le Web pour les News.

Personne n’a oublié comment la firme à la pomme a littéralement a sauvé des eaux l’industrie de la musique. En 2003, quand Apple a lancé l’iPod et son magasin en ligne iTunes, les majors du disque étaient sur le point de succomber aux assauts des bataillons de pirates ordinaires formés par les internautes convertis au téléchargement en “peer to peer”.

Depuis, elles ont vendus 8,5 milliards de chansons dématérialisées sur iTunes qui est devenu le premier disquaire au monde. En reversant une légère dîme d’environ 5 à 10 centimes sur chaque morceau vendu 99 centimes d’euros. Apple s’en contente car la firme fait son beurre sur les iPod et les iPhone (21 millions et 8,7 millions écoulées rien que sur le dernier trimestre 2009 !). C’est ce modèle qui suscite le fol espoir des patrons de presse qui sont prêts, sans problème, à lâcher 10 centimes à Apple pour un journal en ligne qui serait vendu moins de 1 euro sur la Tablette. Et pour cause, si la presse se dématérialise à terme comme la musique, elle fera l’économie du papier, des rotatives et des coûts de distribution qui représentent aujourd’hui près de 70 % du prix de vente d’un quotidien.

Dans ces conditions, la presse est prête à signer comme un seul homme avec Apple qui pourrait annoncer dès ce soir des accords avec le “New York Times” et les grands éditeurs de magazines américains qui se sont alliés pour la circonstance (Time, Condé Nast, Hearst…). Les journaux sont d’autant plus prêts à se jeter dans les bras d’Apple qu’ils ont vu avec inquiétude le très souriant Boss d’Amazon, Jeff Bezos, tenter de leur imposer une clé de répartition totalement disproportionnée : je prends 70 % des abonnements souscrits à votre quotidien sur le Kindle et je vous laisse royalement un pourboire de 30 %. Inacceptable…sauf quand on voit ses recettes publicitaires s’écrouler de 25 % et sa diffusion fondre de 10 % en moyenne comme ça a été le cas en 2009 pour la plupart des titres. On comprend mieux pourquoi la presse unanime s’est prise de passion pour la Tablette en relayant quasi-hystériquement le Buzz orchestré par Apple autour de son nouveau produit…
Mais attention à l’effet de Panurge. Avant la Sainte Tablette, la presse a déjà beaucoup erré en cherchant son berger de l’ère numérique.



Gratuit ou payant sur Internet et les smartphones ? Course à l’audience mal rémunérée par les annonceurs ou fastidieuse chasse à l’abonné en ligne ? Boycotter Google, taxer Microsoft…ou inversement ? Pour les patrons de journaux du monde entier qui ont perdu le Nord, le magnat des médias Rupert Murdoch était devenu une véritable boussole. Problème, le propriétaire (entre autres) du “Wall Street Journal” et du “Times” de Londres s’est comporté lui-même comme vraie girouette tournant en tous sens dans l’espoir de trouver le bon cap.

“Citizen Murdoch” a d’abord décrété la gratuité quasi-totale pour le site internet du “WSJ” lorsqu’il a racheté le grand quotidien d’affaires américaine en 2007 . Puis il a décréter quelques mois plus tard – quand la bise publicitaire fut venue – que l’avenir était au péage… Avant de se mettre en tête de faire payer à Google et/ou Bing (le moteur de Microsoft) le référencement des dizaines de milliers d’articles produits quotidiennement par son empire de presse.

Comme des moutons, des centaines de journaux à travers le monde ont suivi le mouvement : un pas en avant, deux pas en arrière. Ou inversement. Récemment on a ainsi vu “L’Express” partir bille en tête sur un modèle de kiosque payant avant de stopper toutes les machines. Les études ont semble-t-il rappelé aux dirigeants de l’hebdo que quelle que soit la qualité des articles, il était difficile, voir impossible de faire payer une information généraliste disponible gratuitement et en quantité industrielle sur Google News. Et il y a fort parier que “Le Figaro”, qui a annoncé son passage au payant pour 2010, risque au final de faire le même pas de deux.

Car jusqu’ici seuls les grands quotidiens économiques et financiers comme le “Wall Street Journal”, le “Financial Times” ou “Les Echos” (et ce n’est pas parce que j’y travaille) sont parvenus à monétiser en ligne leurs informations dites “à valeur ajoutée”. Le FT.com a ainsi conquis 121.000 abonnés qui payent entre 186 et 363 euros par an pour lire en ligne le journal de la City. Résultat : 33 millions d’euros de chiffre d’affaires internet. De quoi faire rêver plus d’un éditeur…mais n’est pas le “FT” qui veut.

Alors la Tablette d’Apple arrivera-t-elle à faire boire un âne qui n’a pas soif ? A convaincre enfin le lecteur 2.0 qui n’achète plus de journaux en kiosques qu’il faudra bien payer pour les lire online ? Le grand “New York Times” a l’air d’y croire : jusqu’ici gratuit sur Internet, il a décidé de passer au payant…mais pas avant 2011, date à laquelle on saura si la Sainte Tablette s’est vendue comme des petits pains. Bref, Apple n’a pas intérêt à décevoir tant d’attente sans quoi la presse énamourée pourrait bien se retourner méchamment contre la Pomme…

» Article initialement publié sur “Sur mon écran radar”

]]>
http://owni.fr/2010/01/28/la-presse-court-derriere-la-tablette-comme-un-canard-numerique-sans-tete/feed/ 8