OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’Europe délaisse la neutralité du Net http://owni.fr/2012/04/19/leurope-delaisse-la-neutralite-du-net/ http://owni.fr/2012/04/19/leurope-delaisse-la-neutralite-du-net/#comments Thu, 19 Apr 2012 14:01:10 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=106842

Un subtil travail de définition. À l’occasion de la World Wide Web Conference qui se tient actuellement à Lyon, la commissaire européenne en charge des affaires numériques Neelie Kroes a livré ce matin sa vision d’un Internet “ouvert”. Ou plus exactement, les multiples variantes de ce qu’elle entend par “être ouvert en ligne”, pour reprendre l’intitulé de son discours. Résultat : l’ouverture du réseau doit certes être préservée, mais à certaines conditions. Qu’elle fixe.

L’ouverture ? C’est subtil

Après avoir rappelé son attachement à l’ouverture d’Internet, en déclarant dès la première phrase du discours qu’il s’agit “de la meilleure chose” en matière de réseau, Neelie Kroes vient rapidement modérer son propos :

L’ouverture est aussi complexe car sa signification est parfois peu claire.

Car si les bénéfices d’un Net ouvert font consensus dans certains cas, dans d’autres, plus clivants, ils sont plus contestables. Ou tout du moins, sujets à caution de la commissaire européenne. L’Open Data, ou les révolutions arabes, référence désormais incontournable pour tout politique souhaitant aborder publiquement la question numérique, figurent ainsi clairement dans la case “l’ouverture c’est chouette” de Neelie Kroes. Sans qu’un problème de définition ne se pose : dans ces cas-là, “les bénéfices de l’ouverture sont clairs.”

Dans d’autres, ceux qui sentent généralement le soufre, ce“n’est pas si simple”. Ainsi les questions de propriété intellectuelle, de sécurité ou d’accès à Internet. Sur tout ça, il s’agit subitement :

[De devoir] être clairs sur ce que nous entendons par ouverture.

Pour Neelie Kroes, l’ouverture mêlée aux droits d’auteur revient à s’ouvrir “à différents business models”. En clair, “ne pas offrir quelque chose pour rien”. Et si la commissaire européenne concède que certains créateurs veulent être reconnus d’une autre façon”, elle affirme aussi que “parfois, la meilleure façon pour les créateurs de tirer profit [de leur travail] est d’en faire payer l’accès.” Et de poursuivre :

Ce n’est pas une limitation de la liberté ou de l’ouverture, pas plus que ne l’est le fait de payer pour un journal.

Quand elle aborde les questions de sécurité, citant par exemple la protections des enfants sur Internet, elle définit l’ouverture en ces termes : “[elle] ne signifie pas l’anarchie” ni ne s’impose “au détriment de la vie privée ou de la sécurité”. Fondamentale en somme, mais placée au cœur d’une échelle de valeurs stricte.

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Ça se corse davantage avec la fourniture de l’accès à Internet. Pour Neelie Kroes, la notion d’ouverture est ici particulièrement “subtile”. Il est vrai qu’en la matière, la position de la commissaire est branlante. Et ce n’est pas nouveau. D’abord habituée à souffler le chaud et le froid, la commissaire a progressivement adopté les éléments de langage des opérateurs (début octobre, ou bien encore en juillet dernier) pour les questions de neutralité des réseaux – vite remplacées par la notion d’“ouverture”. Elle va ici plus loin,  se disant “engagée à garantir la neutralité du Net” d’un côté et refusant de l’autre à assimiler ce combat au “bannissement de toutes les offres ciblées ou limitées”. L’ouverture consistant ici pour elle davantage à “être transparent” sur ces offres, et à “laisser aux consommateurs la possibilité de choisir librement et aisément s’ils les souhaitent ou non”.

Pour Neelie Kroes, ce qu’est et doit être Internet ne sera pas fixée et protégé a priori : les usages sont préférés à une loi. Aux consommateur de choisir ! Quitte à ce qu’ils limitent leur propre accès à Internet. Sur ce point, la commissaire se veut d’abord confiante, expliquant que les “environnements isolés” ont “souvent échoué” sur Internet. A ce titre, elle cite l’exemple des ” ‘walled gardens‘ bâtis par les fournisseurs d’accès à Internet dans les années 1990″. Une expression qui renvoie aujourd’hui fréquemment aux empires construits et contrôlés par Apple, ou Facebook. Et qui sont tout sauf désuets ou effondrés.

La commissaire pousse la logique plus loin encore, en expliquant qu’en “pratique, il y a plein de moyen de ‘limiter’ l’accès à Internet que la plupart d’entre nous sont prêts à accepter, et même à utiliser.” En exemple : l’existence de forfaits Internet plafonnés à un certain volume de données par mois et que “beaucoup d’entre nous choisissent volontiers.” Et d’enfoncer le clou :

Et bien très bien. C’est loin d’être de la censure. Si on a seulement besoin de consulter occasionnellement les e-mails en 3G et que quelqu’un est prêt à vous offrir ce service – pourquoi devrait-on subventionner ceux qui consomment des films ?

Une impression de déjà vu ? C’est précisément l’argumentaire déployée l’été dernier en France, à la suite d’un papier d’OWNI sur la fin de l’Internet illimité. Les opérateurs expliquant progressivement qu’il n’était pas normal que tout le monde paye pour les “net-goinfres”, expression sympathique visant les consommateurs de services en ligne gourmands en bande passante (streaming vidéo, jeux vidéo en ligne,… ).

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Des opérateurs veulent mettre un terme aux forfaits Internet illimités dans les foyers français. Un document de la ...

Si le plafonnement des forfaits existe depuis belle lurette sur mobile, dont le réseau est techniquement limité par ses capacités de transport, il n’existe pas en France sur le fixe – mais on peut le trouver ailleurs, comme au Royaume-Uni. Dans ses déclarations, Neelie Kroes ouvre la voie à l’instauration de ces pratiques sur tout Internet – seul son exemple ne se réfère explicitement qu’au marché mobile. Si les utilisateurs le souhaitent, et si les opérateurs s’alignent, l’exception française de l’illimité risque de sauter.

Il en va de même pour le mobile, dont l’accès à Internet est déjà plafonné à un certain volume d’octets. Et réservé à certains pans de l’Internet : le peer-to-peer ou la voix sur IP (service tel que Skype) en étant par exemple exclus. Neelie Kroes a beau rapidement évoquer les travaux en cours du Berec, le régulateur européen des télécoms, sur les pratiques des opérateurs visant à restreindre l’accès à Internet des usagers, elle ne cherche pas à les limiter. L’idée est que les consommateurs puissent “choisir en toute transparence le service qui leur va, accès à un Internet complet compris s’ils le souhaitent.”

Et après tout, s’ils ne le souhaitent pas, l’accès à Internet pourra progressivement se resserrer. Autour de forfaits allégés, proposant uniquement des services populaires : Facebook, Twitter, YouTube,… Là où le bât blesse, c’est que les attentes des consommateurs se conforment aussi à ce qui leur est proposé : ils piochent dans ce qu’on leur offre. Sans forcément porter leur choix en étendard : en France, l’enthousiasme engrangé par l’arrivée de Free Mobile en est la preuve. Or ce sont les opérateurs qui façonnent l’offre commerciale. Une responsabilité qui engage les contours même d’Internet.


CC FLickR ter bug

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Internet se fera sonder en profondeur http://owni.fr/2012/01/19/mesure-internet-inria-metroscope-qos/ http://owni.fr/2012/01/19/mesure-internet-inria-metroscope-qos/#comments Thu, 19 Jan 2012 11:09:58 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=91343

Prendre le pouls d’Internet : c’est l’objectif que se sont fixés les scientifiques de l’Institut de la recherche en informatique et en automatique (Inria). Le projet intitulé “Métroscope” entend mettre en place un véritable “observatoire scientifique du réseau”, au service des chercheurs mais aussi des institutions et des citoyens.

Car si Internet a envahi le quotidien des Français, il existe assez peu de données permettant de comprendre ce qu’il se passe en son sein. En scrutant les entrailles du réseau, l’Inria pourra en déterminer les propriétés, en définir la qualité, guetter l’apparition de nouveaux usages. Permettant de répondre à des questions fondamentales ou futiles. Genre : “mais pourquoi ça rame ce soir ?” Le tout dans un esprit d’indépendance. Explications et présentation de cette nouvelle vigie avec Luc Saccavini, ingénieur de recherche à l’Inria, et principal responsable technique du futur observatoire d’Internet.

En quoi consiste le projet Metroscope ?

Inria a la volonté de mettre en place un observatoire scientifique de l’Internet. Cette volonté s’est concrétisée par le montage d’un consortium autour du projet Métroscope pour réunir l’ensemble des principaux acteurs français intéressés par un tel projet et organiser la recherche d’un financement.

La démarche principale consiste en la mise en place d’une plate-forme au service des scientifiques dans un premier temps, mais également des citoyens et des pouvoirs publics dans un second temps. Une équipe technique, de trois à cinq ingénieurs sera nécessaire pour déployer et maintenir l’outil opérationnel. L’objectif est aussi de fédérer une communauté de scientifiques autour de la plate-forme. Il devrait y avoir cinq équipes de recherche d’Inria, ainsi que six à sept partenaires : des universités, des organismes privés, des constructeurs, l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes).

La plate-forme devra être ouverte et neutre : aucun intérêt particulier ne la porte si ce n’est l’intérêt scientifique. La demande de financement dans le cadre de l’appel à projets Équipements d’excellence “Equipex” de fin 2011 n’a pas été retenue, mais le projet demeure et une prochaine réunion entre les partenaires permettra de déterminer la suite à y donner.

Concrètement, que va observer Metroscope sur Internet ?

Avec cet observatoire l’Inria a comme objectif cible de pouvoir mener des observations “en tout point” (petits et grands sites, liens spécifiques, utilisateurs finaux, etc) et “de toute nature” (mesures techniques, d’usages, etc). Par exemple sur les aspects qualité de service d’Internet : regarder les propriétés d’un trafic, savoir le caractériser, déterminer le temps de réponse d’un site, la perte de paquets pour tel ou tel usage sur Internet… Ce qui permet par exemple de définir ce qu’il faut faire pour sur-dimensionner un “tuyau” – même si cette image du réseau peut mener à des erreurs d’interprétation. L’idée est d’obtenir des mesures précises dans le temps. Des données techniques fines s’appuyant sur des métriques bien standardisées (métriques IPPM notamment). Mais ce n’est qu’un aspect de l’observation.

Nous avons aussi réussi à impliquer des chercheurs en sciences humaines sur la plate-forme, afin d’étudier également les usages d’Internet. Nous disposons déjà de pas mal de données là-dessus : ce qui nous intéressera surtout ici sera l’évolution des usages, des services, des protocoles, et leurs détournements éventuels. Certains services, certains protocoles y mènent : il y a donc un véritable besoin. Par exemple le mail est devenu une façon de transporter des documents, alors qu’à l’origine c’était uniquement un moyen pour échanger des messages. L’étude des protocoles existant et nouveaux est intéressante car certains se rapprochent de l’organisation de la vie, des cellules…

Un bon exemple qui se rapproche de ce qu’on veut faire est Caida, aux États-Unis, qui publie des études sur Internet, ainsi que de nombreuses visualisations. D’autres initiatives, comme PlanetLab Europe au sein de celle, plus large, de OneLab, existent déjà et déploient des sondes pour observer le réseau.

Boîte noire

Comment mesure-t-on Internet ?

L’idée est de mesurer plus de choses, au plus d’endroits possibles, avec la plus grande précision possible. Nous allons déployer différents types de sondes pour observer le réseau. Par exemple, des sondes logicielles, qui sont soit actives (elles émettent du trafic) soit passives (elles observent le trafic). Ces sondes logicielles (de type OneLab) sont entièrement configurables pour permettre d’accueillir des campagnes de mesures spécifiques à un programme de recherche. D’autres sondes (de type Etomic) permettront l’observation du débit à un grain temporel très fin, sous la micro-seconde.

Certaines sondes permettront l’observation d’un service particulier. C’est le cas des sondes qui seront déployées par l’Afnic (Association Française pour le Nommage Internet en Coopération), l’un des partenaires du projet, pour observer le trafic DNS. D’autres sondes seront déployées chez des internautes volontaires pour participer à des campagnes de mesures.

Pour étudier le réseau dans sa globalité, il faut l’observer à l’échelle mondiale. Allez-vous placer des sondes au niveau des points d’échanges internationaux ?

On aimerait bien. Mais c’est quasiment impossible. La charte des points d’échanges internationaux insiste sur la neutralité des opérateurs de ces points d’échanges. Ils ne communiquent pas les informations sur les conditions de trafic (matrice des flux par exemple). Il s’agit d’informations technico-commerciales particulièrement sensibles. Pour le moment, c’est donc hors de portée.

Du coup, Metroscope sera un observatoire de l’Internet français ?

Le déploiement des sondes se fera principalement en France. Mais le déploiement de sondes de type OneLab dans le cadre du projet PlanetLab qui dispose déjà de sondes à l’international donnera des possibilités d’observations sur tout l’Internet. Enfin, il est dans nos objectifs de travailler avec des consortiums européens équivalents pour avancer vers une observation européenne, puis mondiale.

Les opérateurs juges et parties du net

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Le régulateur des télécoms cherche à déterminer la qualité du réseau français. Pour mettre en place le dispositif de ...

Sujet sensible

Certains disent qu’il n’est pas possible de “mesurer” Internet…

Dire qu’on ne peut pas faire quelque chose consiste à ne jamais rien faire. Ce projet d’observatoire est difficile donc c’est scientifiquement intéressant. Et au terme des recherches, plusieurs réponses peuvent être apportées ! Le chantier peut être trop complexe et oui, on dira alors que c’était trop difficile. Mais on peut aussi faire une partie du chemin, apporter des éléments de réponse à la question de la mesure d’Internet.

Quelles précautions avez-vous prévues pour encadrer ces mesures et l’utilisation des données récoltées ?

La mesure d’Internet est un sujet plus que sensible, ce qui explique la gouvernance extrêmement précise de l’observatoire. Au-delà d’un comité exécutif et d’un comité de direction classiques, nous avons aussi un comité scientifique et un comité éthique. Le premier donne accès ou non à la plate-forme et à ses résultats en fonction de la nature des requêtes des scientifiques. L’équipement est utilisé en priorité par les chercheurs d’Inria et de ses partenaires scientifiques, mais d’autres, extérieurs au projet, pourront y accéder s’ils en font la demande et si celle-ci est validée.

Avec le comité éthique, nous nous assurons que l’Observatoire n’est pas une boîte noire incontrôlée. Son spectre est très large : au même titre que le comité scientifique, il examine les demandes d’accès à la plate-forme des chercheurs extérieurs, en déterminant les conditions dans lesquelles ils peuvent ou non utiliser ces données. C’est la caution de vigilance et de transparence : si on installe une sonde chez un utilisateur, il faut qu’il sache ce qu’on va en faire, et ce qui sera fait des données récoltées.

Un être vivant

L’Arcep réfléchit à une méthode de mesurer de la qualité d’accès à Internet. Êtes-vous associé au groupe de travail ?

L’Arcep compte parmi nos partenaires et nous sommes déjà associés à la réflexion en tant qu’experts extérieurs. Nous avons été invités aux réunions de travail au côté des opérateurs, des équipementiers, des associations d’usagers et d’autres personnalités extérieures. Cela fait partie des missions d’Inria en tant qu’organisme de recherche public.

La situation sur le terrain est un peu contradictoire entre les fournisseurs de contenus et les fournisseurs d’accès. La volonté de l’Arcep d’établir sur une base scientifique la mesure de la qualité d’accès à Internet est positive, mais encore une fois, le terrain est difficile. Il faut trouver les bonnes méthodes : le régulateur nous a demandé de les y aider.

L’Arcep se dirigerait vers une solution uniquement tournée vers la pose de sondes matérielles chez l’utilisateur. Que pensez-vous de ce choix et des autres solutions écartées ?
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L'idée de brider Internet était promise aux enfers. À en croire les opérateurs, en particulier Orange, le projet aurait ...

La solution offerte par le site Grenouille est bien, elle a le mérite d’exister depuis très longtemps et d’être facile à déployer [ndlr : le site propose une "météo du net" afin de "publier en temps réel les performances des différentes offres d'accès haut débit."]. L’inconvénient est que la mesure de la qualité d’accès à Internet dépend de l’activité du poste de travail de l’utilisateur. A côté, la sonde matérielle est une bonne idée. Reste à se poser les questions des conditions de déploiement, du panel représentatif d’utilisateurs et des mesures à effectuer.

Il y a donc des chances que vous mesuriez la qualité de l’accès à Internet sous la tutelle de l’Arcep ?

On a proposé notre aide pour opérer des sondes directement à partir de notre plate-forme. Si nous obtenons le financement, c’est une option que nous allons ouvrir.

L’Arcep veut fixer à terme un “niveau de qualité suffisant” à Internet. Une bonne idée ?

C’est une bonne chose de vouloir fixer ce niveau de qualité suffisante. Mais le problème du réseau c’est qu’il est un être vivant : il est difficile de reproduire un instant donné d’Internet. Mais ça ne veut pas dire que l’on ne peut pas, commencer par faire des comparatifs entre opérateurs est déjà une première étape possible.

De plus, le concept de “niveau de qualité suffisant” permettra de constater certaines pratiques sur le réseau. Prenons un scénario : si un FAI a un lien financier avec un producteur de contenu, il peut être tenté de jouer sur la qualité de service pour favoriser ce site en particulier auprès des utilisateurs. Ces choses seront visibles et accessibles.

De même, dans d’autres cas de figure, les opérateurs peuvent à tord être mis en cause : ils peuvent fournir une très bonne qualité de service, sans que l’utilisateur en profite, parce que le biais est introduit ailleurs (poste de travail, serveur applicatif, autre FAI). Les FAI craignent de se faire accuser à tort de diminuer la qualité de service. Avec cette mesure, l’idée est de fournir un tableau de bord avec l’accord de l’Arcep, des opérateurs et du grand public. Des données agrégées, synthétiques et reproduites dans le temps.

La gouvernance d’Internet reste un sujet ouvert. Internet n’a ni centre, ni patron, même si des géants existent. On peut donc constater ces scénarios s’ils se produisent. Quelque part, l’observation d’Internet relève d’une question citoyenne. Et les opérateurs y ont tout intérêt.

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“Il y a de quoi faire en sorte que les réseaux ne soient pas saturés”

Pensez-vous qu’il y a un risque de voir les opérateurs faire pression sur la mesure pour orienter les résultats ?

Inria s’occupe de science. Si l’Arcep accepte notre aide, on ne recherchera évidemment aucune mainmise. Surtout dans ce domaine; l’observation d’Internet est très difficile. Il est important que cet instrument reste transparent, ouvert, bien géré, et qu’il serve l’expérimentation scientifique.

Nous aidons l’Arcep à réfléchir à la mesure de la qualité d’accès à Internet, à la neutralité des réseaux. Mais notre implication reste au conditionnel.

Pour justifier les entorses à la neutralité des réseaux, les opérateurs évoquent souvent une “saturation” de leur infrastructure. Les mesures de l’Observatoire permettront-elles de vérifier si cet argument est une réalité ?

Cette question relève plus de l’opinion que de Metroscope. Ce que je peux dire, c’est que la montée en puissance des équipements est continue depuis vingt ans. On parle de “saturation”, de bande passante “limitée”… Ce que j’observe, et m’en appuyant aussi sur des analyses prospectives menées sur l’évolution des industries électroniques (rapports de l’ITRS par exemple), c’est que cette montée en puissance n’est pas finie. Chaque fois qu’un facteur 10 est franchi dans la performance des équipements, c’est très cher au départ, puis ça diminue très vite.

Autrement dit, dans la technologie comme dans l’économie, il y a de quoi faire en sorte que les réseaux ne soient pas saturés. On peut s’appuyer sur un cas très précis : Renater (Réseau national de télécommunications pour la technologie l’enseignement et la recherche). L’échelle est certes réduite à la communauté académique (1000 établissements) mais Renater peut être vu comme un morceau significatif d’Internet. Le budget de financement est constant depuis longtemps. Nous n’avons jamais été dans une situation de devoir l’augmenter alors que les débits ont été très fortement augmentés. Autrement dit, il n’y a aujourd’hui aucun argument technologique ou financier qui indique qu’on ne puisse pas continuer à accompagner la montée de la demande en bande passante avec les équipements actuels.


Image par Anthony Mattox (cc) via Flickr

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L’Internet illimité au purgatoire http://owni.fr/2011/09/29/internet-illimite-purgatoire-arcep-neutralite-operateurs/ http://owni.fr/2011/09/29/internet-illimite-purgatoire-arcep-neutralite-operateurs/#comments Thu, 29 Sep 2011 19:56:05 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=81602

Les discussions des fournisseurs d’accès à Internet au sein de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) ouvrent la voie à la fin de l’Internet illimité. La réalité de ce projet avait été révélée en août dernier par OWNI. Malgré les démentis entendus alors, il semblerait que l’idée ne soit pas complétement enterrée.

Il y a déjà tout ce qu’il faut dans une box

L’installation d’une sonde dans les boîtiers ADSL aux millions d’abonnés, actuellement envisagée, pourrait s’apparenter à la mise en œuvre d’un plafonnement des forfaits. Permettant, au-delà d’un certain volume de données consommées sur Internet, de couper l’accès. La sonde agirait comme un compteur déguisé.

Les différents acteurs engagés dans la réflexion rejettent l’hypothèse d’une telle évolution. Sans rassurer pour autant : tous s’accordent à dire que les boîtiers des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) contiennent d’ores et déjà les technologies nécessaires pour réaliser des contrôles. Pas besoin d’une sonde en plus: un des opérateurs nous confie que la simple activation d’un programme rendrait tout de suite la box plus active… et plus intrusive.

Si le régulateur décide de mesurer la qualité du réseau français via une “sonde matérielle” placée dans le modem, il ne ferait d’ailleurs que confirmer la confession de l’opérateur. Les FAI ne vont pas changer leur matériel pour satisfaire les besoins de l’Arcep: les coûts seraient monstrueux. Si on leur confie cette tâche, c’est qu’ils ont les capacités de les endosser.

“On est certain qu’elles [les boxes des FAI] envoient des messages à l’opérateur, confirme Stéphane Bortzmeyer, qui représente l’Afnic auprès du régulateur. La question étant : quel est le niveau de détails des messages ?

La fin du best effort, la mise à mort du net

Un autre levier, plus insidieux, permettrait aux FAI de mettre fin aux forfaits illimités et non conditionnés aux habitudes de navigation des internautes.

Les données relevées sur le réseau par les opérateurs vont servir de matière primaire à l’Arcep pour définir un “niveau de qualité d’accès à Internet suffisant”. Après le paramétrage de l’outil de mesure, c’est le second pendant de la mission du régulateur.

En-deçà de ce niveau : les opérateurs pourront être accusés de ne pas remplir leurs obligations contractuelles. Au-delà, leur prestation sera supérieure à la norme: rien ne les empêche alors de demander une contribution financière à la hauteur de cet effort. C’est peu dire que la fixation de ce curseur sera au cœur d’une âpre bataille. En gardant la main sur l’outil de mesure, les opérateurs bénéficient d’une longueur d’avance dans les négociations.

D’un point de vue commercial, les FAI ont donc tout intérêt à faire en sorte que le seuil acceptable soit le plus bas possible. Le panel d’abonnements “premium” qui s’ensuivrait serait logiquement plus large, et permettrait enfin de remédier aux lourds investissements dans les infrastructures, l’argument préféré des opérateurs dès qu’il s’agit d’élever les coûts – tel Stéphane Richard, le patron d’Orange, il y a quelques jours.

Le scénario n’est pas improbable : il suffit de jeter un œil outre-Manche pour s’en persuader. Là-bas, sans complexe, un FAI appelé “Plus Net” explique qu’il différencie la qualité de ses prestations en fonction des services (voix sur IP, jeu en ligne, peer-to-peer, mail..), de l’heure et de la somme que l’abonné est prêt à engager.

Pédagogie et tableaux à l’appui, il détaille ses offres : pour l’abonnement minimal (£6.49 à £12.99 mensuels, en fonction des zones, pour un simple accès à Internet), tous les services, VoIP, moteur de recherche et mail exclus, sont systématiquement “ralentis” à “certains moments de la journée”. Le volume de données consultables, limité à 10 giga octets (Go) par mois. En payant un peu plus cher (£11.49 à £17.99 par mois), ces mêmes services (téléchargements, jeu en ligne, etc.) sont “managés”. La qualité est sensiblement meilleure mais peut être “limitée aux périodes les plus encombrées”. Le volume de données lui, grimpe à 60 Go.

A chaque usage du net, sa qualité. Et surtout son prix. Quiconque ici ne peut pas s’offrir le luxe d’être un joueur assidu. Ou un fan de série.
Cette situation, qui différencie l’accès à Internet en fonction des services est une atteinte claire à la neutralité des réseaux. Principe qui sous-tend Internet, tel qu’il s’est développé, et qui affirme que quiconque peut accéder ou développer tout type de contenu sur le réseau, sans qu’aucun ne soit discriminé.

Mais au-delà, c’est l’idéologie même du réseau qui se voit sérieusement bousculée. C’est le “best-effort”, idée selon laquelle les opérateurs font de leur mieux pour fournir à leurs abonnés le meilleur accès à Internet possible, qui est menacé. De meilleur possible, l’accès devient le plus faible possible.

Jean-Michel Planche, dont la société Witbe figure parmi les prestataires de l’Arcep pour mesurer la qualité de service, résume en ces termes:

La mesure de la qualité d’accès à Internet a tout d’une question technique. Sauf que c’est tout sauf technique. C’est stratégique, philosophique. Ce n’est pas qu’un truc d’ingénieurs et de telco, c’est aussi un enjeu de penseur, de visionnaires, de chercheurs, qui doivent se réunir et dire ce qu’ils veulent comme Internet.

Enserré dans l’enceinte de l’Arcep et visiblement abandonné aux mains des principaux opérateurs, c’est l’avenir du réseau français qui aujourd’hui débattu. En toute discrétion.

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