OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Obsolescence programmée : comment les entreprises entretiennent le cycle du jetable http://owni.fr/2011/05/01/obsolescence-programmee-comment-les-entreprises-entretiennent-le-cycle-du-jetable/ http://owni.fr/2011/05/01/obsolescence-programmee-comment-les-entreprises-entretiennent-le-cycle-du-jetable/#comments Sun, 01 May 2011 14:01:01 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=60399 Certains étudiants de la Sorbonne avaient pris l’habitude, comme leurs profs, d’aller faire recharger leurs cartouches d’encre dans cette petite boutique de la rue des Ecoles. Neutre, le magasin affichait des étalages de réservoirs « génériques » pour toutes les marques : Epson, Canon, HP, Brother… Mais la petite affaire a bien vite été confrontée à un problème de taille : parmi les nouveaux modèles, certains ne reconnaissaient QUE le matériel « propriétaire », reconnus par une signature matériel et une signature logicielle dans la puce. Quant aux petits malins qui voulaient réinjecter de l’encre avec une seringue dans les têtes d’impression, malheur à eux, la puce traquait le niveau. Mais, il faut comprendre les constructeurs : en obligeant leurs clients à revenir régulièrement acheter des cartouches, c’est 90% de leur chiffre d’affaires qu’elles garantissent ! Ce mécanisme qui enferme le consommateur dans un cycle perpétuel de renouvellement de matériel en lui fournissant des produits trop vite inutilisables ou irréparables a depuis quelques temps hérité d’une dénomination industrielle quasi mystique : l’obsolescence programmée.

Derrière ce terme abstrait se cache une somme de techniques industrielles et commerciales visant à un seul but : entretenir le cycle de consommation afin de faire tourner les usines et les flux de marchandises. Pour se faire, le plus simple reste encore de réduire le cycle de vie des objets par diverses options qui entretiennent des mécanismes nécessitant la recherche perpétuelle de la compression des coûts de mains d’oeuvre et un gaspillage considérable de ressources, que les actuelles tensions sur les matières premières accusent. Même si la méthode a devancé de beaucoup les « peaks » de prix sur les métaux rares et le cuivre.

Des ampoules jetables à l’iPad 2

Au lendemain de la Première guerre mondiale, c’est à la lumière du marché florissant des lampes à filaments que se conclut, avant même la signature du traité de Versailles, un accord entre les Alliés et l’Allemagne : le Hollandais Philips, l’Américain General Electric et l’Allemand Osram, ainsi que d’autres sociétés européennes et japonaises, s’accordent alors pour limiter la durée de vie de leurs ampoules et de maintenir leur prix élevé, sous l’égide du cartel Phoebus.

Mais c’est à la rencontre du taylorisme et de la crise que nait la possibilité (d’un point de vue technique) et la nécessité (d’un point de vue commercial) de stimuler le consommateur. Cité comme la première mention du terme « obsolescence programmée », un texte d’un certain Bernard London publié en 1932, évoqué dans le documentaire, pose ainsi le problème :

En un mot, les gens, pris d’un sentiment de peur ou d’hystérie, utilisent tout ce qu’ils possèdent plus qu’ils étaient habitués à le faire avant la dépression. Dans la période de prospérité qui précédait, le peuple américain ne continuait pas à utiliser chaque chose jusqu’à avoir totalement épuisé ses capacités. Ils remplaçaient les vieux objets par des neufs du fait de la mode ou de leur modernité. Ils se débarassaient de leurs vieilles maisons et de leurs vieilles automobiles bien avant qu’elles soient hors d’usage, se souciant à peine de savoir si elles étaient obsolète.

D’un point de vue industriel, il s’agit là d’atteindre un véritable Graal commercial : comment alimenter un marché déjà saturé ? Comment vendre des frigidaires, des voitures, des chaussures, quand tous les clients potentiels en sont déjà équipés ? Trois réponses s’offrent dès lors aux industriels :

  • la technologie : construire moins fiable, moins durable et non réparable.
  • le design : créer artificiellement, par un effet de mode, un effet de vieillissement prématuré en « démodant » les produits.
  • la législation : obtenir l’instauration de nouvelles exigences légales obligeant la « mise aux normes » par le renouvellement du produit.

Les trois méthodes ne sont pas toujours utilisées par les mêmes industries. Il est plus courant de trouver une obsolescence programmée d’ordre technologique dans des produits « blancs » (gros et petit électroménager) tandis que le vieillissement par le design et l’accélération de la succession des générations est devenu une spécialité des produits « gris » (ordinateurs, électronique domestique, etc.). Au croisement de ces deux méthodes, l’entreprise Apple a atteint une finesse remarquable : totalement propriétaire, les produits Mac sont très difficilement démontables (s’ils ne sont pas remis entre les mains du SAV maison, la garanti des MacBook saute ainsi automatiquement), ne disposent d’aucune interopérabilité (très difficile de changer de disque dur, de carte graphique ou d’optimiser les performances de l’objet, les pièces ne pouvant être fournies que par le constructeur lui-même) et font l’objet de mises à jour système et hardware très rapprochées.

Appuyées par de monstrueuses campagnes, obligeant les consommateurs « accros » à renouveler à des prix prohibitifs leurs téléphones, lecteurs MP3, etc., les produits Mac sont pourtant inscrit dans les mêmes circuits de production à bas coût de main d’oeuvre et matières premières bas de gamme. Leur sous traitant principal, Foxconn, voit une partie de la production de ses usines affublés des marques concurrents, tel que HP, Sony, Intel ou Dell.

Le «cartel des ascensoristes», ou l’obsolescence par la norme

Parmi les cas de « consommation forcée », le cas des ascenseurs se pose en exemple. Plaidant leur cause auprès de l’AFNOR, l’Association française des normes, les principaux fabricants de cabine (Thyssenkrupp, Koné, Otis et Schindler) ont ainsi profité de deux accidents mortels à Amiens et Strasbourg pour souffler leurs inquiétudes au ministre Gilles de Robien, qui donna son nom à une loi imposant un renouvellement massif du parc d’ascenseur pour raisons de sécurité à l’horizon 2013 et 2018. Coût total de cette mise aux normes ? 4 à 8 milliards d’euros pour tout le pays.

Or, selon un rapport de Ian Brossat, élu communiste de Paris, publié par le site Marianne2 en 2010, ledit chantier ne risque guère d’être profitable aux usagers : ce sont moins l’Etat initial des cabines qui est en cause que les défauts de maintenance, causés par la surcharge de travail des réparateurs. Défauts de maintenance à l’origine des deux incidents ayant motivés la loi de Robien…

Combinés, les effets sont pourtant bien ceux espérés : selon une enquête des Amis de la Terre et du Centre national d’information indépendante sur les déchets, malgré la saturation du marché des biens manufacturés en France depuis les années 1980, l’achat d’équipement électrique et électronique a été multiplié par 6 depuis le début des années 1990. Dans le même temps, d’après une enquête Que Choisir citée par ce rapport, la durée de vie du matériel « blanc » serait aujourd’hui en moyenne de 6 à 8/9 ans, contre 10 à 12 ans avant 2000.

Un mouvement général de valorisation de la consommation

Dernière pierre de cette arche, la durée des garanties est, depuis le début des années 2000, en chute libre. « Au cours de l’année passée, écrivait la journaliste Jane Spencer, du Wall Street Journal, la garantie des produits Dell Computer s’est effondrée de trois à un an. » Au même moment, les premiers iPod d’Apple inaugurait des durées d’assurance casse et réparation de 90 jours. Trois mois seulement. Permettant la réduction des coûts de main d’oeuvre par l’accès à d’incroyables réservoirs de travailleurs pauvres en Asie et en Afrique du Sud, la chute du Mur du Berlin a également permis de rendre jetable jusqu’au dernier bijou de technologie, faisant de la réparation un loisir d’écolo, de geek ou de nostalgiques des fers à souder.

Mais, derrière toutes les techniques, la « propagande » dans son sens premier d’influence des foules, reste le mécanisme le plus profond qui entretient, et légitime, le recours à ces méthodes aux conséquences écologiques et sociales catastrophiques. Plus que Bernard London, c’est chez Edward Bernays, père du marketing et de la communication politique moderne, qu’il faut trouver les véritables racines du consumérisme comme fait social total, au sens où il structure désormais nos représentations, nos pratiques sociales… et nos interactions humaines en général.

Dans un ouvrage paru en 1928, republié sous le titre Propaganda, ce Viennois sollicité par le président américain Woodrow Wilson pour convaincre les Américains d’entrer en guerre en 1917, raconte notamment comment il réussit à convaincre les femmes de fumer, pour le compte de la marque de cigarettes Lucky Strike. Perçu comme une activité masculine, la tabagie n’a gagné avec fierté le coeur des Américaines que quand Bernays eut l’idée de confier à quelques suffragettes des clopes de la marque, les invitant à provoquer leurs homologues masculins en tirant sur ces « Torchs of Freedom », « torche de la liberté ». Un renversant la représentation sociale et en prêtant de manière artificielle une dimension politique à un simple produit de consommation, il expérimentait un concept plus tard décodé par Noam Chomsky : la « fabrique du consentement ».

Avant même de s’insinuer dans le design industriel, parachèvement de la prise de pouvoir du marketing sur l’ingénierie, l’économie du non-durable est d’abord une construction sociale dont Victor Lebow, spécialiste de la distribution, théorisait le principe dans un article de 1955 selon une formule notamment citée dans le documentaire The Story of Stuff :

Notre économie surproductive [...] exige que nous érigions la consommation au rang de mode de vie, que nous convertissions l’achat et l’utilisation de biens au rang de rituel, que nous cherchions notre satisfaction spirituel, égotique dans la consommation… Il nous faut des objets consommés, consumés, remplacés et jetés à un rythme toujours plus rapide.

Sacralisée comme la preuve d’une vie productive et heureuse, la consommation permanente donne aux individus comme seuls objectifs l’accumulation et le remplacement de choses, plus ou moins glorifiées, polies par le design, au rang desquels le téléphone portable, la montre et la voiture deviennent le rosaire, le missel et l’icône. Des mécanismes qui, liés au plaisir de la destruction évoqué par Bernays, font fort penser à la « pulsion de mort », théorisée par Freud, et retrouvée par Gilles Dostaller et Bernard Maris dans les écrits de John Maynard Keynes.

Sauf qu’à l’époque, les deux économistes voyaient dans cette thèse une explication de la part maudite qui avait poussé le système à son autodestruction. Mais, au fond, rien n’oblige à faire de différence : les financiers, chefs d’entreprise et de grandes banques, ne sont que des consommateurs à une autre échelle. Et, à cette échelle là, on ne parle plus d’obsolescence programmée, mais de crises systémiques. Des crises qui, nous dit-on, sont nécessaires, elles aussi, à maintenir ce sacro-saint système.


Crédits photo : FlickR CC Siadhal ; George Eastman House ; MT23 ; Nicholas Marchildon

Retrouvez les autres articles de notre dossier sur l’obsolescence programmée: Réinjecter de la durée de vie dans la société du jetable, et “Prêt à jeter”, quand la nostalgie industrielle devient complotisme.

Image de une: CC Marion Boucharlat pour OWNI

[Mis à jour le jeudi 5 mai 2011 / 5è paragraphe]

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Réinjecter de la durée de vie dans la société du jetable http://owni.fr/2011/05/01/reinjecter-de-la-duree-de-vie-dans-la-societe-du-jetable/ http://owni.fr/2011/05/01/reinjecter-de-la-duree-de-vie-dans-la-societe-du-jetable/#comments Sun, 01 May 2011 11:00:36 +0000 Alexandre Marchand http://owni.fr/?p=60364

Sans connaître le terme [d’obsolescence programmée], je me suis rendu compte à 16 ans que la qualité des produits régressait, et ce, dans tous les secteurs.

Se souvient Yohann Gouffé, un chargé de communication sur le développement durable à la mairie de Saint-Mandrier (Var). “Obsolescence programmée”, une expression barbare pas forcément évocatrice mais pourtant inhérente à notre vie quotidienne. L’idée est simple : concevoir des produits plus fragiles permet d’accélérer leur renouvellement, faisant ainsi augmenter les ventes. Le procédé n’est pas neuf mais a cependant connu une accélération au cours des deux dernières décennies avec la complexification de l’électronique dans les produits de tous les jours. Un mouvement contre lequel Yohann, parmi d’autres citoyens inquiets, cherche à trouver des parades.

Un forum pour partager des solutions pour étendre la durée de vie des objets

Si la logique de l’obsolescence programmée pouvait avoir sa pertinence dans l’Amérique sinistrée des années 1930, où elle a été popularisée, elle est devenue beaucoup plus problématique en ce début de XXIème siècle. Dans un monde aux capacités limitées, elle accapare des ressources considérables. Et la surconsommation qui en découle génère des montagnes de déchets qui iront s’accumuler sur des terrains vagues au Ghana, au Sénégal, en Inde,…

Après la visionnage de l’excellent documentaire Prêt à Jeter sur Arte en février dernier, Yohann se précipite sur Internet pour chercher des informations supplémentaires. Constatant la rareté de données sur l’obsolescence programmée, il décide de créer le premier forum sur le sujet. Dans cet espace, les utilisateurs sont invités à recenser les appareils douteux et à échanger les astuces pour les faire remarcher. Lave-vaisselle, onduleur, machine à pain…les produits y sont passés au crible.

La société, en quête d’une constante croissance économique, nous conditionne partout et à longueur de journée à consommer toujours plus, et l’obsolescence programmée des produits, que nous achetons sans réfléchir à l’impact environnemental, y contribue.

Avec l’aide des internautes, il catalogue d’ailleurs les produits avares d’énergie et aisément réparables, du fer à repasser démontable à la machine à expresso manuelle.

Dans le processus d’obsolescence programmée, l’attitude du consommateur est cruciale.

Il faut arrêter de vivre et de consommer pour plaire ou se faire accepter d’autrui, analyse Yohann. Personnellement, je n’éprouve aucunement le besoin de suivre la mode ou de parader avec le dernier modèle sorti sur le marché.

L’obsolescence peut être technique certes mais également psychologique, c’est le constat que partage Marine Fabre, membre des Amis de la Terre et auteur d’un rapport sur le sujet. Pour ce dernier, elle est allée à la rencontre des distributeurs d’électroménager. Si leur première réaction a été de dénoncer “la théorie du complot”, ils ont fini par avancer que l’obsolescence “est surtout du fait des consommateurs qui poussent la consommation technologique et veulent toujours le produit dernier cri”. “La volonté d’avoir le dernier produit en date est en grosse partie suscitée par le marketing”, soutient cependant Marine.

Réemploi, durabilité et partage

Avec les Amis de la Terre, Marine a contribué à l’élaboration du site Produits Pour La Vie qui vise à informer les consommateurs et à leur proposer des alternatives. Avec une équipe de bénévoles, elle travaille actuellement à des “Guides du Réemploi” pour Paris et le Val-d’Oise. Le but : donner accès au citoyen à des bases de données lui indiquant où faire réparer quel type de produit, où faire du troc, où louer un objet pour un besoin ponctuel… “Ta perceuse tu en as besoin peut-être deux fois dans ta vie alors plutôt que d’en acheter une, pourquoi ne pas la louer ou la partager?”, explique-t-elle.

Réemployer plutôt que de jeter, un bon moyen de contourner le système mais généralement peu pratiqué. Selon une étude de l’ADEME, près d’un objet sur deux qui tombe en panne n’est pas réparé alors même que 83% des Français disent être sensibles à l’intérêt écologique de ce geste. « Il semble plus facile d’acheter que de faire réparer » avance Dieter Becker, coordinateur de la Recyclerie du Rouergue.

Située sur la route de la déchèterie de Villefranche (Aveyron), sa Recyclerie fait partie du réseau des Ressourceries, un ensemble de structures spécialisées dans le réemploi des déchets. “On reçoit pas mal de [l’électroménager] blanc, les gens veulent plus de technicité, plus de commodité. Certains appareils qu’on a sont jolis sauf qu’en termes de consommation…”, explique Dieter. Depuis 2006, sa Recyclerie collecte des produits usagés, les remet en état de marche et les valorise afin de les revendre derrière. “Avec trois machines, on peut en faire une”, assure le coordinateur. Le concept et les prix attractifs et semblent assurer un succès croissant à la Recyclerie : en 2010, 60 tonnes y ont été apportées, près de 30 en sont ressorties.

Il est aussi possible, plutôt que de faire l’acquisition d’un nouveau modèle, de se procurer un produit par des voies parallèles. “On ne jette rien, on redonne les choses, ainsi on n’a pas besoin de racheter systématiquement”, confie Mireille Legendre, la présidente d’un Système d’Échange Local (SEL) à Montreuil (Ile-de-France).

Développés dans les années 1980 en Amérique du Nord et arrivés en France en 1994, les SEL donnent une nouvelle vie aux produits dont on souhaite se séparer. Inscrits en marge de l’économie classique, ils permettent l’échange de produits ou de prestations entre les citoyens sans recourir à l’argent. Plus de quatre-vingt personnes, de Montreuil et ses environs, viennent apporter leur contribution au SEL créé par Mireille en 1999. Chacun y met ce qu’il peut : service, savoir ou bien. Ici la monnaie n’a pas cours, on calcule en ”unités”. Par exemple, une heure passée à aider pour le jardinage rapportera 60 unités, unités qui pourront être utilisées pour acquérir un objet mis à la disposition du SEL. Le “prix” d’un bien est laissé à la discrétion de son propriétaire d’origine. “Les biens qui sont mis ici sont variables : cela peut être de l’alimentation, du mobilier ou encore de l’électroménager”, explique la présidente. Près de 400 organisations similaires sont recensées sur le territoire français, et de nombreuses autres existent à l’étranger (Belgique, Canada, Suisse…).

Mettre en commun pour consommer moins

Aude Ménigoz-Kirchner a trouvé une autre alternative à la surconsommation : mettre en commun les biens. C’est la conclusion qu’a atteint, au fil des années, ce médecin scolaire de Besançon (Doubs) :

Chacun prend conscience à son rythme, la crise économique a peut-être aidé certains. Moi j’y suis arrivée progressivement, un peu par mon fils qui est dans la décroissance, un peu par des amis.

Depuis quelques années, au sein de l’association Habiter Autrement à Besançon, elle participe à l’établissement d’un habitat coopératif, un ensemble écologique et solidaire. Mais si l’habitat coopératif connaît un regain d’intérêt en France ces dernières années, en périphérie ou à l’extérieur des villes, la mutualisation des biens n’y est pas forcément mise en oeuvre et reste avant tout un choix au cas-par-cas. Avec 15 autres foyers, pour l’heure, Aude a choisi le terrain de construction et envisage l’emménagement dans les trois ans. “Pour nous, ce qui est important c’est la mutualisation des surfaces et des biens. Le but est le bien vivre-ensemble”, explique-t-elle.

Des pièces communes seraient ainsi prévues : buanderie, grande salle avec cuisine, chambres d’amis… “Ce qui sera mis en commun dépend un peu de chacun : ça peut aussi bien être des ateliers de bricolage que des livres ou encore des automobiles”, dit Aude. Elle compte bien mettre sa voiture, pourtant nécessaire à ses tournées, à la disposition de la communauté dès que possible afin de limiter le nombre de véhicules par foyer.

“L’obsolescence programmée est inhérente au système, c’est le bras armé de la croissance”, lâche Stéphane Madelaine avec un sourire. En tant que professeur de sciences industrielles pour l’ingénieur au Havre (Seine Maritime), il certifie l’existence de l’obsolescence programmée et regrette le manque de discussion autour : “Dans le cahier des charges de tout produit il faut mettre une durée de vie, il y a donc bien une décision qui est prise”. Pour ce membre du Parti pour la Décroissance, « la croissance pour la croissance” est un concept “complètement absurde ». Stéphane milite pour un tournant abrupt :

Il faut que le consommateur se réapproprie son mode de vie. Nous ne sommes pas des moutons qui subissons tout, il y a plein de moyens de s’exprimer ou de changer le monde.

“La crise amène à repenser certains modes de consommation. Elle a poussé beaucoup de gens à s’interroger pour savoir s’il n’y avait pas une autre voie”, explique Christophe Ondet, le secrétaire national du Parti pour la Décroissance. Selon lui, il est vital de sortir du paradigme de la croissance et du travail, réhabiliter l’humain derrière l’économie. “A quoi ça sert d’avoir un emploi derrière un guichet si c’est pour y être malheureux ?”, interroge-t-il. Mais le changement, dit-il, doit d’abord se manifester dans des comportements individuels, des regroupements de citoyens, une volonté provenant de la base. Et de marteler :

Ça partira du citoyen ou ça ne partira pas.

Même s’il confesse ne pas avoir de “programme clé en main” à proposer, il voit une solution simple à la surconsommation : la sobriété. À chaque citoyen de décider de la marche à suivre, de faire ses propres choix en matière de consommation. “Personnellement, confie Christophe, je ne consomme pas plus que ce dont j’ai besoin. Je ne rêve pas de passer le samedi dans les centres commerciaux.”

Photos: Flickr CC Toban Black / Chantel Williams / Andy Herd / Peter Blanchard.

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